Le rapport sur les inégalités d’Oxfam1 est publié chaque année en marge du Forum économique mondiale de Davos. Et alors ? Les ultrariches sont encore plus ultrariches ? Les inégalités se creusent ? Rien de nouveau là. Parlons donc des primaires dans l’Iowa et des ententes dans le secteur public.

Oui, parlons-en.

Nous sommes dans une ère de multiples fractures post-pandémie (démocraties chancelantes, conflits en croissance, dérives technologiques, désinformation, dérèglement du climat, hausse du coût de la vie, régression des droits de la personne, etc.), où la majorité de la population mondiale – et particulièrement les femmes – se démène à maintenir un standard de vie un tant soit peu digne et surtout un minimum d’espoir. Constater que les richesses sont de plus en plus concentrées entre quelques mains et que leurs bénéficiaires prospèrent et échappent aux règles de redistribution n’aidera pas à amoindrir les divisions et à calmer l’atmosphère envers les institutions et les élus dans une année où près de la moitié de la population mondiale va aux urnes.

Les cinq hommes les plus riches ont doublé leur fortune depuis 2020, cinq milliards de personnes se sont appauvries. Quatre des cinq Canadiens les plus riches ont augmenté leurs avoirs de deux tiers depuis 2020.

Les impôts sur les entreprises ont baissé de moitié depuis 1980 dans l’OCDE. Mille milliards de profit trouvent leur chemin vers les paradis fiscaux. Les trois quarts du travail de soins non rémunéré sont faits par les femmes, et soutiennent aussi l’économie, mais ce travail invisible n’est jamais chiffré. Oxfam estime qu’il vaut 10 800 milliards de dollars américains.

Le 1 % des plus riches a plus d’impact négatif sur l’environnement que les deux tiers les plus pauvres.

Monopoles privés

Parlons des monopoles privés. En 20 ans, 60 entreprises pharmaceutiques ont fusionné pour devenir les 10 Big Pharma et on a pu constater les effets dévastateurs sur le manque d’accès aux vaccins pour les populations des pays du Sud. Deux entreprises multinationales contrôlent 40 % du marché des semences agricoles. Et parmi les Big Tech, les trois quarts des dépenses publicitaires mondiales profitent à Meta, Alphabet et Amazon. Les ultrariches dirigent ces entreprises et bénéficient des dividendes.

Cette concentration accrue de pouvoir économique et politique par les monopoles privés et la richesse de leurs actionnaires et dirigeants marque nos vies tous les jours : nos salaires, notre alimentation, nos médicaments et vaccins, nos données et nos médias ou encore notre santé liée au climat.

Les milliardaires prospèrent, les monopoles privés s’affairent à engranger les profits en échappant à l’impôt le plus possible, en influençant les politiques publiques pour restreindre les salaires, les règlementations contraignantes (syndicats, égalité des salaires, brevets, etc.), les protections des services publics, évitant la lutte contre les changements climatiques auxquels ils contribuent, nuisant aux petites et moyennes entreprises qui ne peuvent concurrencer de tels titans. Les solutions pour combattre cette concentration de pouvoir des mégacorporations et des ultrariches, qui alimente les inégalités, résident dans le renforcement du pouvoir public transformateur de l’État qui doit :

- investir dans les services publics où une majorité de femmes travaille : santé, éducation, soins, justice, alimentation, logements, transports, transition écologique juste ; amplifier la réglementation et la transparence ; soutenir les monopoles publics quand ils assurent un service à toutes et tous ;

- réglementer les entreprises pour mettre fin aux monopoles privés et réorienter l’économie : régir les brevets, exiger des actions concrètes en faveur de la transition climatique, payer des salaires décents, permettre la syndicalisation, payer des impôts, et obtenir l’égalité des genres et offrir des subventions ou prêts si ces entreprises se conforment ;

- éradiquer les paradis fiscaux et hausser la taxation progressive des ultrariches sur leur richesse et les entreprises sur leurs bénéfices excédentaires ; qui peut se passer de 1800 milliards de dollars pour les services publics et la transition juste ?

- soutenir les modèles économiques alternatifs et les entreprises qui servent aussi les intérêts et les droits du plus grand nombre ; sans nuire à la planète, aider bien plus les coopératives, l’économie sociale… qui créent de la valeur pour la communauté et les travailleurs et aussi les propriétaires.

Impossible ?

Maintenir ce système n’est pas une option. Le modèle actuel est insoutenable et indécent pour faire vivre nos sociétés en paix et en liberté.

Ce rapport est ouvert à débats, à discussions, mais aussi à actions. Ayons le courage d’ambitions qui nous rassemblent et donnent des chances à toutes et tous. Comment peut-on se passer de l’innovation, de l’ingéniosité, des talents de milliards de personnes parce qu’elles n’ont pas les mêmes opportunités.

Comment peut-on laisser nourrir les colères de l’injustice, car les gouvernements laissent faire.

Nous souhaitons que les gouvernements agissent et réglementent afin de corriger ces dérives qui dérèglent profondément nos sociétés, avant qu'il ne soit trop tard.

La primaire de l’Iowa et les ententes sur les services publics sont en parfait lien avec notre rapport, ne trouvez-vous pas ?

1. Lisez le rapport Multinationales et inégalités multiples