Alors que Ru, le film inspiré du livre éponyme de Kim Thúy, entreprend une seconde vie sur les grands écrans du Canada, de Toronto à Vancouver, il est important de souligner le succès qu’il a remporté au Québec.

Il a touché le cœur de plusieurs milliers de Québécois et a déjà engrangé des recettes de plus de 1,7 million de dollars. Le tandem Charles-Olivier Michaud et Jacques Davidts a réussi à transcrire en langage cinématographique les souvenirs de Kim Thúy, lors de son arrivée au Québec après avoir fui son Viêtnam natal dans des conditions terribles.

Par son sujet et sa facture, ce film mérite de devenir un outil pédagogique concernant l’immigration au Québec.

Dans ce film, trois personnages jouent un rôle important ; ils sont invisibles à l’écran et pourtant leur présence est manifestement bien réelle.

Il y a tout d’abord l’exil, qui est la trame de fond du récit. La déchirure de l’exil est une blessure qui marque profondément la chair des migrants.

Quelle que soit la raison qui pousse une personne à quitter son pays, elle en demeure marquée pour la vie. Qu’elle soit partie pour des raisons économiques, familiales, sociales ou politiques, comme dans le cas de la protagoniste du film, elle gardera toute sa vie la nostalgie de son pays, de sa culture et des liens avec ses amis et sa famille. C’est une cicatrice indélébile.

Bienveillance québécoise

Le second personnage silencieux, mais tellement présent, illustré par le jeu magistral de Karine Vanasse, Patrice Robitaille et surtout de la jeune Mali Corbeil-Gauvreau, est cette bienveillance et simplicité de la famille d’accueil, tellement représentative de la générosité et de l’humanité des Québécois face aux immigrants.

Pour l’avoir vécu personnellement, je peux témoigner de la bienveillance, de la gentillesse et de la sympathie qui ont grandement facilité ma propre intégration au Québec.

Enfin, le troisième personnage invisible de ce film est le processus d’intégration de l’immigrant à sa nouvelle vie. Chercher de nouveaux repères, comprendre les éléments d’une nouvelle culture, tisser de nouvelles amitiés, trouver l’équilibre entre son passé et son nouveau quotidien, bref, s’adapter à sa nouvelle vie sans toutefois renier son passé, voilà la délicate transition que doit effectuer tout nouvel immigrant.

Alors qu’actuellement le débat fait rage sur le nombre acceptable d’immigrants et sur l’adoption de structures d’accueil efficaces, il serait bon de ne pas oublier le passage obligé que doit traverser l’immigrant et la déchirure qu’il porte en lui. Et surtout de ne pas sous-estimer la grandeur et la générosité des Québécois à accueillir les nouveaux arrivants.

Je souhaite que le film Ru devienne un outil pédagogique largement diffusé, car il pourrait ainsi faciliter l’intégration des néo-Québécois qui se reconnaîtront dans les personnages du film. Et les Québécois « de souche » y verront une image fidèle de leur générosité.

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