On ne tolère pas l’intimidation dans les cours d’école. On ne devrait pas plus la tolérer dans les conseils municipaux ni sur les médias sociaux.

Les démissions de 800 des 8000 élus municipaux depuis les élections de 2021 envoient un message sans équivoque : les climats qui règnent au sein des villes sont si toxiques qu’ils font plier les plus motivés de nos concitoyens engagés.

On ne peut plus décemment croire qu’avoir la couenne dure suffise. Avoir la couenne dure ne signifie pas qu’il faille endurer les railleries et le mépris de nos collègues.

Je sais que certaines des solutions proposées sont déjà implantées dans les municipalités plus populeuses. Cependant, la complexité des enjeux et l’accumulation des dossiers portés par les conseils municipaux des villes de plus petite taille justifient cette révision des rôles et responsabilités.

Ces mesures ont bien un coût que je n’ai pas estimé.

1. Diffuser les séances plénières. En plus d’offrir une plus grande transparence, la diffusion de ces séances de travail permettrait de réduire le niveau de tension qui y règne parfois. Les élus harcelants ou qui se plaisent à rabaisser leurs collègues se garderaient une petite gêne sachant que leurs propos sont enregistrés et publics. Il s’agit également de la mesure 51 du rapport Charbonneau (limiter les exceptions au débat public).

2. Des cours sur l’art de la diplomatie municipale. La négociation politique et l’acceptation du choc des idées, ça s’apprend. Par conséquent, on devrait enseigner aux nouveaux élus à comprendre que des collègues qui ne partagent pas nécessairement notre opinion politique ne sont pas « contre nous ». Bref, les élus doivent cesser de le prendre personnel et apprendre à partager ou à recevoir des opinions politiques qui divergent des leurs sans tomber dans la condescendance ou la raillerie.

3. Déléguer les pouvoirs de la présidence d’assemblée. La présidence est sujette à la critique par des opposants politiques qui se sentent injustement traités, ce qui contribue à attiser les tensions. Ce rôle devrait être joué par un travailleur apolitique, qui ne fait pas partie de la fonction publique. Cette personne ferait respecter les règles de régie des séances du conseil, rappellerait les élus à l’ordre, encadrerait la période de questions des citoyens et appliquerait les questions de privilège (points d’ordre visant à assurer un certain décorum et à empêcher les dérives langagières).

4. Appuyer la presse locale. La couverture médiatique des activités municipales responsabilise les élus et les force à adopter des comportements respectueux. Par ailleurs, une presse indépendante rapportera plus librement les opinions des uns et des autres.

5. Engager un conseiller politique non partisan. Il jouera un rôle de médiation entre les représentants des partis ou des conseillers indépendants pour recueillir les propositions de chacun. Il fera aussi le lien avec la fonction publique. Il revient normalement au maire ou à la mairesse de travailler avec l’ensemble de ses conseillers pour assurer l’adoption d’un projet de règlement controversé. Toutefois, la complexité et la polarisation de certains enjeux phares et les responsabilités accrues des maires et des mairesses font en sorte qu’ils ont beaucoup moins de temps à consacrer à cette fonction de médiation. En d’autres mots : ils ont autre chose à faire. De plus, puisqu’ils défendent des engagements politiques pour lesquels ils ont été élus, ils sont peu enclins à faire des compromis avec leurs adversaires. Cette attitude est tout à fait louable, mais elle s’accompagne d’une certaine rigidité qui entraîne des tensions.

Certes, ces mesures n’empêcheront pas certains conseillers d’instrumentaliser les citoyens pour atteindre leurs objectifs, ni de manipuler l’opinion publique sur les médias sociaux, ni d’exprimer leur désaccord en s’opposant à une décision.

Ces comportements sont intrinsèques au jeu politique.

En revanche, ces mesures pourraient contribuer à assainir des climats malsains. L’attitude d’une seule personne suffit parfois à pourrir l’atmosphère.

Il est temps que la récréation prenne fin. Elle a entraîné la perte d’un trop grand nombre de joueurs.

*L’auteure a été conseillère municipale dans un conseil majoritaire de 2013 à 2019 puis conseillère dans un conseil minoritaire de 2019 à 2021.