Bien des questions légitimes se posent avec la fermeture annoncée du Groupe Juste pour rire. L’une d’elles pourrait s’énoncer de la façon suivante : comment un festival à but non lucratif adossé à une multinationale peut-il être au bord de la faillite ?

À un second niveau, comment se fait-il qu’une entreprise à but lucratif multimilliardaire puisse posséder une entreprise sans but lucratif ? Techniquement et légalement, un OBNL est possédé par ses membres qui nomment un conseil d’administration. Tout surplus est conservé dans l’entreprise et n’est pas distribué aux membres. Une entreprise à but lucratif distribue ses profits à ses actionnaires.

La structure de Juste pour rire, du Festival international de jazz de Montréal et des Francos est la même : l’entreprise à but non lucratif demande des subventions, l’entreprise à but lucratif récupère tout ce qui fait de l’argent (captation des spectacles, ventes de boisson sur le site, etc.) et reverse une redevance à l’OBNL. Les profits sont gardés dans l’entreprise à but lucratif et les dépenses sont affectées à l’OBNL.

Si l’OBNL Juste pour rire avait conservé le contrôle des captations et autres produits payants, serait-elle en voie de faire faillite aujourd’hui ?

Fondamentalement, la question est de savoir pourquoi cette double structure ? Il existe plusieurs centaines de festivals et évènement au Québec et aucun autre que ceux que j’ai nommés n’ont cette double structure. Ce qui est payant chez les festivals et évènements complète les subventions reçues. Dans le cas qui nous occupe, comme les profits vont à l’entité à but lucratif, l’OBNL ne fait pas de surplus. Si elle en faisait, elle n’aurait pas besoin de demander l’aide gouvernementale pour offrir des spectacles gratuits. Elle en aurait les moyens.

Je suis content pour ceux qui ont vendu leurs festivals pour des dizaines de millions. Mais pourquoi nos gouvernements acceptent-ils cette structure qui viole l’esprit de la loi ? Comment acceptent-ils qu’une entreprise à but non lucratif soit possédée par une entreprise à but lucratif où tout ce qui est payant va à la première et non dans l’OBNL ?

L’argument de demander des subventions pour donner des spectacles gratuits ne tient pas la route. Si ce qui est payant était resté dans l’OBNL, celle-ci aurait eu l’argent pour offrir ces spectacles gratuits, sans subventions. De toute façon, est-ce dans le mandat du gouvernement d’offrir du loisir gratuit à ses citoyens ? Si la réponse est oui, pourquoi alors ne fait-il pas la même chose pour les salles de cinéma qui présentent des films québécois ?

Pour ce qui est de l’argument des retombées économiques, c’est de la foutaise.

Quand on calcule ces retombées en comptant ceux qui viennent de 40 km de Montréal, aussi bien dire qu’on déshabille Pierre pour habiller Paul. Les spectateurs de Trois-Rivières, Drummondville, Saint-Hyacinthe, Granby ou Sherbrooke appauvrissent ces villes quand ils dépensent plutôt à Montréal.

Même si on ne comptabilisait que les visiteurs entrant au Canada, l’affaire ne tiendrait pas non plus. La majorité des entreprises manufacturières du Canada exportent des produits et donc, font entrer des devises au Canada, ce qui est très payant pour notre économie. Pourquoi alors n’ont-elles pas accès à des subventions publiques annuellement pour offrir certains de leurs produits gratuitement aux citoyens du Canada ?

En résumé, si le festival Juste pour rire avait eu le contrôle total de toutes ses activités plutôt qu’une redevance sur certains d’entre eux, les payant, est-ce qu’il serait sur le bord de la faillite aujourd’hui ? La question se pose.

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