La semaine dernière, le Parti libéral du Québec a déposé un projet de loi visant à créer la fonction de directeur parlementaire du budget. Si la proposition ne risque pas d’enflammer les discussions sur les terrasses ou lors des premiers barbecues printaniers, elle mérite pourtant qu’on s’y attarde sérieusement.

D’ailleurs, s’il y a une chose qu’on peut retenir du dépôt du dernier budget à Québec, c’est qu’on aura pour l’avenir besoin de beaucoup de discipline pour continuer de financer adéquatement nos programmes sociaux, nos réseaux de la santé et de l’éducation, et d’avoir un gouvernement qui joue pleinement son rôle de réduction des inégalités.

L’analyse économique a priori et a posteriori

Au Québec, à Ottawa et dans de nombreux États, un vérificateur général est chargé de rendre publiques des analyses a posteriori des dépenses gouvernementales, c’est-à-dire d’évaluer si les crédits budgétaires ont été bien dépensés, si une saine gouvernance a régi l’utilisation de ces fonds, et si la population en a eu pour son argent.

Un directeur parlementaire du budget jouit de la même indépendance par rapport au gouvernement, mais son mandat est d’intervenir plus tôt dans le processus de dépenses, soit a priori.

Son rôle se résume à outiller et à informer les parlementaires avant qu’ils votent pour autoriser des dépenses, pour mettre sur pied des programmes ou adopter des budgets. C’est une voix distincte du gouvernement qui a la crédibilité et la neutralité nécessaires pour faire fi de la partisanerie et de la joute politique.

Encore plus nécessaire dans un régime parlementaire

Le rôle de directeur parlementaire du budget est un rôle important dans toutes les démocraties et structures législatives l’ayant adopté, mais ce l’est encore beaucoup plus dans les régimes parlementaires d’inspiration britannique comme le nôtre, où le rôle des élus en matière d’approbation budgétaire est très limité – le pouvoir étant concentré entre les mains de l’exécutif, donc du premier ministre et du Cabinet. Tout le contraire de ce qu’on observe aux États-Unis, où les membres du Congrès jouissent d’un réel pouvoir en matière de crédits budgétaires.

À Ottawa, c’est le gouvernement de Stephen Harper qui avait créé cette fonction en 2006.

Dans de nombreux dossiers de dépenses importants, le directeur parlementaire du budget avait fourni dès ses premières années un éclairage important sur des dépenses publiques d’importance.

Les dossiers de l’achat d’avions de chasse F-35, les coûts associés à la guerre en Afghanistan, et même des prévisions économiques clés à l’aube de la crise économique de 2008 avaient particulièrement retenu l’attention.

Mais au-delà de ce rôle clé, ce que démontrent la littérature et l’expérience de la mise sur pied de ce poste à Ottawa et ailleurs dans le monde, c’est que le succès d’une telle mesure passe par différents facteurs, dont un mandat large et clair, des ressources financières adéquates et une pleine indépendance.

Se mettre tous d’accord… en même temps !

La dernière fois que cette proposition avait retenu l’attention à Québec de manière soutenue, c’était en 2012, à la prise de pouvoir du gouvernement minoritaire du Parti québécois après neuf ans de règne libéral. Avant de former le gouvernement, le Parti québécois s’était engagé à créer le poste en question, mais s’était montré plus frileux à l’idée ensuite.

À l’époque, ce sont les libéraux qui s’opposaient à l’idée d’un directeur parlementaire du budget, alors que la CAQ appuyait fortement cette idée, soutenant l’importance de donner aux Québécois un « portrait indépendant des finances publiques, notamment pour éviter les mauvaises surprises, et permettre aux députés de calculer le coût d’une mesure du gouvernement ». La CAQ, alors dans l’opposition, allait même suivre trois ans plus tard avec le dépôt d’un projet de loi en ce sens.

Pour sa part, Québec solidaire avait déclaré en 2012 ne pas s’y opposer, pour finalement cheminer et déposer quelques années plus tard son propre projet de loi en ce sens.

La bonne nouvelle, c’est donc que tous les partis politiques du Québec ont déjà proposé et appuyé l’idée de la création d’un poste de directeur parlementaire du budget. La clé maintenant, c’est tout simplement qu’ils soient tous d’accord au même moment.

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