Notre époque est celle de la résurrection du corps. Non pas comme le voudraient d’abord les chrétiens celle du Christ, mais plutôt celle de notre propre corps, un corps que nous avons retrouvé ces dernières années à la suite… de l’abandon de nos pratiques religieuses !

Pourtant, assez paradoxalement, c’est précisément en raison de cette primauté que l’on accorde maintenant au corps, que plus souvent qu’autrement, nous en sommes déçus. Il faut avouer que derrière ce culte que l’on voue présentement au corps se dissimule en effet une réalité troublante. Alors qu’au XXsiècle, l’humain tenait sa fierté de son savoir scientifique et minimisait son aspect corporel, voilà maintenant qu’il s’y réfugie comme si la technologie qui le dépasse et le domine l’oblige à chercher ailleurs une valorisation personnelle.

De toute façon, diront plusieurs, avec tous les ordinateurs et autres appareils intelligents, qu’avons-nous à faire d’un esprit la plupart du temps en retard sur tout ! Aussi bien se consacrer au bien-être du corps et laisser les machines faire le travail.

Plutôt que de s’imaginer comme étant de purs esprits, chose que nous ne sommes pas, notre véritable place n’est-elle pas en effet davantage auprès de la nature grâce à notre corps et à ses sens ?

Aussi, depuis un certain temps déjà notre créativité se concentre autour de la façon de bien se nourrir et de faire de l’exercice afin de maintenir son corps en santé. Les librairies débordent de livres de cuisine et les émissions de télévision sur la bouffe se multiplient de façon exponentielle. Bien boire, bien manger et faire de l’exercice est devenu pour plusieurs une véritable obsession. Dans un souci extrême, certains citadins cultivent même sur leur toit leurs fruits et légumes.

Pourtant, cette matière vivante à laquelle nous préférons maintenant nous identifier est d’une extrême fragilité. Car ce corps se voit attaqué par une multitude de nouveaux virus et bactéries, sans compter également de nouvelles formes de cancers.

De plus, malgré tout le souci que l’on porte à l’alimentation, l’obésité gagne tous les jours du terrain. Il faut dire que dans cette effervescence alimentaire, la malbouffe, partout présente en publicité, a su habilement se frayer un chemin jusqu’à notre assiette. Dans un contexte de survie aussi serré, notre participation à ce nouveau monde organique devient un exercice périlleux, surtout pour les moins bien nantis de la planète qui ont de difficulté à suivre.

Disons-le : au mens sana in corpore sano (un esprit sain dans un corps sain) on a substitué un idéal corporel exclusif si élevé qu’il peut parfois mener chez certains à la dépression. Car entre la boulimie et l’anorexie, l’espace de vie se fait pour plusieurs de plus en plus étroit. En serions-nous alors déjà rendus à l’époque de l’âme perdue et du corps à la dérive ? Car l’on chercherait en vain dans ce souci extrême du corps une âme quelconque… Il n’y en a plus ! Et quant au corps… lui aussi, comme celui du Christ, se voit sacrifié sur l’autel de la performance !

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