Est-ce un des mandats de l’État de payer du divertissement gratuit à ses citoyens ? La question se pose d’autant que nos gouvernements peinent à combler leurs mandats de base comme l’éducation et la santé. D’autant plus que ceux qui assistent aux spectacles gratuits des grands festivals sont les mêmes que ceux qui remplissent les restaurants.

Devrait-on dans la foulée offrir de la gratuité dans les salles de cinéma et tant qu’à y être dans ces mêmes restaurants ? Évidemment non. Ce n’est pas le mandat de l’État. Pourquoi alors le fait-on pour les grands festivals ?

Les salles de spectacles en région remplissent leurs sièges avec le rire et la chanson populaire. Ils accumulent ainsi des surplus qui leur servent à remplir leur autre mission, soit présenter du théâtre, de la danse et de la musique classique.

Pourquoi les grands festivals ne font-ils pas pareil ? Vous me direz : « On subventionne bien le Musée d’art contemporain, l’OSM et le TNM ? » Exact, mais on le fait parce qu’ils protègent le patrimoine ; les arts visuels pour le premier, les œuvres du répertoire classique pour les deux autres qui, si elles ne sont pas jouées, vont se perdre. Ils participent aussi à l’éducation du public en expliquant les œuvres, en présentant des compositeurs moins connus ou en montant des pièces d’auteurs qui nous font nous questionner, nous mettent devant nos incohérences, nous éduquent. Cela est bien différent de présenter du simple divertissement.

Autre chose, ce ne sont pas les festivals et leurs volets gratuits qui ont fait du Quartier des spectacles ce qu’il est maintenant, comme voudraient nous le faire croire certaines personnes. Du temps de la prohibition, le quartier était rempli d’Américains venus boire de l’alcool ; Montréal était déjà une ville festive dans les années 1930. Il y avait des cinémas, des cabarets, du théâtre de vaudeville dans les années 1940 et 1950. C’est la construction de la Place des Arts en 1963 couplée à l’ouverture du TNM, à l’érection du Complexe Desjardins avec ses centaines d’emplois, la salle du Gesù, la cinémathèque et j’en passe, qui ont façonné le quartier comme il est aujourd’hui.

Ensuite se sont ajoutés la SAT, la Maison symphonique, deux autres salles à la Place des Arts, le Musée d’art contemporain, le Palais des congrès, des galeries d’art, etc. Les grands festivals n’ont fait que s’ajouter à tout ça. Tant mieux.

Sans subvention en Colombie

Finalement, pourquoi offrir du divertissement gratuit alors que dans d’autres pays on le fait sans subvention ? C’est le cas du groupe Paramo à Bogota en Colombie. Ce groupe offre deux douzaines de festivals, dont certains gratuits. Ils se débrouillent si bien qu’ils viennent d’être achetés par Live Nation, la grande multinationale du divertissement qui possède aussi les grands festivals à Montréal.

Alors pourquoi faudrait-il au Québec subventionner du divertissement gratuit alors que dans un pays pas mal moins riche que le Québec on en offre gratuitement sans soutien de l’État d’aucune sorte ? Si evenko/Live Nation a acheté une série de festivals, c’est qu’il pensait faire de l’argent. Qu’il se comporte en bon citoyen corporatif et qu’il fasse comme il le fait à Bogota en offrant du divertissement gratuit aux citoyens de Montréal. Mais qu’il ne demande pas à l’ensemble des citoyens du Québec de payer pour ça. Alors non, je ne pense pas qu’offrir du divertissement gratuit à ses citoyens fait partie du mandat de l’État.

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