Une chronique de Marie-France Bazzo dans La Presse sur les lacunes dans nos rituels entourant la mort m’a fait réfléchir à la question de la disposition des restes de nos proches.

Selon la Corporation des thanatologues du Québec, en 2015, dans notre province, 24 % des proches des défunts ont choisi de conserver leurs cendres et non de les enterrer dans un lieu accessible aux proches⁠1. Lorsque nous savons que le Québec enregistre, bon an, mal an, au-delà de 70 000 décès, il est possible de mesurer le nombre de personnes vivant un deuil et qui n’ont accès à aucun endroit pour se recueillir à la mémoire d’un être cher⁠2.

Certaines familles choisissent de conserver les cendres tandis que d’autres les dispersent de différentes façons. Ce type de rituel a récemment été mis en scène dans des films québécois, suscitant le rire des spectateurs.

On peut, entre autres, penser au film Les grandes chaleurs, dans lequel le fils du défunt arrive à la dispersion des cendres avec les restes de son père dans un sac de balayeuse. D’autres films montrent les efforts des personnages pour disperser les cendres d’un ou une proche sans tenir compte de la brise (par exemple), des rituels qui se concluent bien souvent dans le ridicule et ayant pour effet de faire rire.

Lieu de recueillement

Mais est-ce vraiment si drôle de banaliser un moment aussi important et, surtout, de disperser les cendres de la personne sans désigner un endroit pour se recueillir, faisant en sorte qu’elle disparaisse à jamais et que son passage sur terre soit effacé pour toujours ? Que dire de toutes les autres personnes qui pourraient souhaiter aller se recueillir sur sa tombe ? Ce n’est sans doute pas un hasard si la plupart des civilisations ont des rituels et des lieux sacrés où sont enterrés les restes des personnes mortes.

Mettre fin au passage de quelqu’un sur terre en dispersant les cendres en petit comité restreint semble le contraire du caractère collectif et même sacré du deuil.

Je suis née à L’Isle-Verte, je vis à Gatineau. Notre village a un magnifique cimetière et ma mère, mes sœurs et moi allons nous recueillir sur la tombe de notre père chaque fois que nous en avons l’occasion. Chaque année, en juin, le transport de boîtes à fleurs sur les tombes de nos proches (père, grand-père, grand-mère, tante) est un rituel que nous accomplissons avec maman et qui nous donne l’occasion de nous recueillir sur la tombe de ces êtres chers.

C’est aussi une occasion d’entretenir leur mémoire, de nous assurer qu’ils ne meurent jamais et de nous aider à vivre avec cette cicatrice au cœur que laisse le départ d’un ou une proche. Pensons-y bien, cette absence de lieu de recueillement pour les proches ne conduit-elle pas à faire mourir cette personne une seconde fois ? Réfléchissons avant de rire du gars des Grandes chaleurs qui arrive avec les cendres de son père dans un sac de balayeuse. Ce n’est pas parce qu’on rit que c’est drôle…

1. Lisez « Trois funérailles et un rituel » 2. Lisez « La crémation perd en popularité au Québec pour la première fois en cinq ans »

3. Institut de la statistique du Québec, Bilan démographique, 2021, p. 13

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