Encore une fois, un nombre important de postes en médecine de famille sont restés vacants à la suite du premier tour du Service de jumelage des résidents (CaRMS) 2024. Sur les 528 postes offerts, 91 (17 %) n’ont pas trouvé preneur, alors que dans les autres spécialités il n’en reste que 6 sur 441 (1 %).

Sommes-nous vraiment surpris ? Je ne le pense pas. On reçoit les résultats et on se remet à la tâche pour tenter d’aller chercher quelques résidentes et résidents de plus au deuxième tour d’avril.

Il n’en reste pas moins que seulement 50 % de nos externes finissent par rejoindre la médecine de famille (et non 55 %) et qu’il manque de 1000 à 1400 médecins de famille au Québec, selon la méthode utilisée.

La valorisation de notre spécialité est-elle encore possible après autant d’années de résultats décevants ? Ma réponse est oui et pour plusieurs de mes collègues aussi, mais attention, on n’y arrivera pas sans un processus de réflexion sérieux partagé par l’ensemble des parties prenantes. La Table nationale de concertation sur la valorisation de la médecine de famille a justement été créée à cet effet, réfléchir ensemble, poser des diagnostics, mais surtout trouver des solutions. Les objectifs sont ambitieux, mais à mon avis atteignables. Le temps presse, cependant, si on espère combler d’ici quelques années le déficit important de médecins de famille.

Malgré ce travail gigantesque en cours et la volonté des participantes et participants à arriver à proposer des solutions concrètes, il y a des irritants qui viendront neutraliser les efforts investis par cette Table nationale de concertation que j’appellerais les dévalorisants.

Ces derniers sont souvent plus puissants que nos actions de promotion. Des exemples nombreux sont liés à l’ère Barrette de 2014 à 2018, qui ont conduit au désintéressement majeur des étudiantes et étudiants pour la médecine de famille, et, on ne se le cachera pas, de plusieurs médecins en pratique.

Le discours politique et ses impacts prévisibles

Force est de constater que nos élus n’ont pas encore appris que le fait de dénigrer de quelque façon les médecins de famille sur la place publique ne fait qu’envenimer la situation. Les étudiants y sont très sensibles. Que 13 000 patientes et patients plus vulnérables soient en attente, c’est désolant et nous devons trouver des solutions pour les intégrer rapidement et en assurer le suivi. Mais pourquoi encore mettre publiquement et de façon à peine voilée, la « faute » sur les médecins de famille plutôt que de voir comment remédier au problème avec les autorités compétentes ?

De rendre publique la situation, soit, mais pourquoi ne pas parler de l’effort important démontré par les médecins de famille pour répondre aux besoins du GAP qui a dépassé les cibles et de la complicité des médecins de famille dans la recherche de solutions ?

Un « j’ai confiance que nous allons être capables de remédier à cette situation en collaboration avec nos partenaires médecins de famille », de la part du ministre de la Santé, aurait fait toute la différence. Les politiciens sont habituellement habiles pour tourner une situation négative en un facteur positif. Cela aurait, en pleine période de classement du CaRMS, apporté des renforts aux efforts déployés par les programmes de médecine de famille, les syndicats et même le Ministère qui démontre, il me semble, un réel intérêt à améliorer la situation du recrutement étudiant.

Et que dire des impacts sur nos médecins en pratique. La volonté du ministre d’augmenter l’offre de services de première ligne et d’en améliorer la gestion est un but louable, mais le seul fait de l’imposer par règlement laisse un goût amer aux médecins de famille qui se démènent, malgré un épuisement pour plusieurs, afin d’assurer des services adéquats à la population, services qui vont bien au-delà de la première ligne. Plutôt que de vouloir réduire l’autonomie des médecins de famille à tout prix, le gouvernement aurait avantage à favoriser le dialogue et l’innovation afin d’améliorer les pratiques. Ça ne fait peut-être pas la une des journaux, ça ne se comptabilise peut-être pas d’un point de vue électoral, mais ça devrait apporter des solutions durables et efficaces.

Les médecins de famille sont sur le terrain et assument leurs tâches pour faire en sorte que notre système de santé puisse fonctionner le mieux possible, mais surtout nous sommes là pour nos patients, pour leur santé, que ce soit au bureau, à l’urgence, au CHSLD, à l’hôpital ou encore en tout lieu où nos prestations sont requises. Les patients seront toujours au centre de nos actions et de nos priorités.

Une juste reconnaissance de la médecine de famille par le gouvernement et l’ensemble des collègues des autres spécialités, des conditions de pratique favorisant le travail et l’épanouissement, de même qu’une réelle collaboration interprofessionnelle sont des éléments déterminants pour reconquérir les étudiantes et étudiants en médecine.

Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue