D’aussi loin que je me rappelle, c’est une litanie qui revient de manière sporadique dans le discours public : il faudrait démolir le Stade.

Il faut dire qu’il n’a pas été construit pour le Québec, le Stade. Le Québec qui, malgré un court épisode d’ambition, a toujours voulu faire ça petit, faire ça simple, pas compliqué. Le Stade, il est trop ambitieux… Même si on l’utilise, on ne sait pas quoi faire avec.

Le mélodrame du Stade est surtout l’histoire du Québec qui se regarde le nombril, convaincu de sa médiocrité, persuadé qu’on ne peut pas faire pire ailleurs.

La vérité, c’est que Montréal s’en tire bien avec ses installations olympiques, même après 47 ans.

Une semaine après la fin des Jeux, Rio de Janeiro (2016) a laissé à l’abandon la totalité de son site. La piscine olympique n’a pas été réutilisée une seule fois, alors que celle de Montréal est ouverte depuis 47 ans.

La seule solution que la Chine a trouvée pour rentabiliser les Jeux de Pékin (44 milliards de dollars) a été de récupérer une partie de ses installations pour… organiser les Jeux d’hiver. On leur souhaite bonne chance dans 30 ans…

Les 30 000 chambres d’hôtel qui ont été construites à Sotchi (2014) n’ont plus jamais servi. On pourrait continuer comme ça longtemps. Allez voir ce que deviennent les villages olympiques de Sarajevo et d’Athènes…

Le démolir, et ensuite ?

Combien coûterait la démolition du Stade ? Sans doute le double de son entretien. En 2015, le coût de démolition du Stade était évalué à 750 millions de dollars, ce qui équivaut bien à 2 ou 3 milliards de dollars actuels avec les dépassements de coûts.

Et que ferait-on avec le site une fois le Stade démoli, question, justement, de ne pas répéter l’erreur de faire quelque chose qu’on regrettera dans quelques années ? À cause du prix au pied carré, on gage un petit 20 sur des immeubles d’habitation, qu’on confiera au privé, bien entendu. Autrement dit, des tours de condos « style de vie » gris noir dont d’édifiants exemples ont fleuri le long de l’autoroute 10. Est-ce qu’il s’est construit autre chose au Québec ces 25 dernières années ?

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

« Comme toutes les installations olympiques, le Stade n’a pas été pensé pour durer. Il l’a fait un demi-siècle et c’est déjà un miracle », écrit l’auteur.

Il est vrai que le Stade souffre de problèmes de conception. Comme toutes les installations olympiques, le Stade n’a pas été pensé pour durer. Il l’a fait un demi-siècle et c’est déjà un miracle. Il a aussi été construit à la fin d’une époque où, Jeux olympiques ou pas, on aimait mettre du béton partout sans trop se soucier du lendemain. Or, dans le domaine de l’aversion, le Stade a droit à un traitement privilégié.

Quel avenir entrevoyait-on pour le pont Champlain, un ouvrage pas cher, pas compliqué, sachant que, devenu dangereux, on l’a déclassé en catastrophe il y a quelques années ? Nos autoroutes urbaines, cicatrices sociales atteintes de vieillissement prématuré, nous coûtent beaucoup plus cher annuellement que le Stade. Il est moins bien vu de remettre en question leur utilité. Et à quelle vision obéissait-on quand on a rasé le Faubourg à m’lasse pour en faire un immense stationnement planté d’une tour tombée en désuétude ?

Je l’aime bien, moi, le Stade. Le fait qu’il suscite autant de colère et de rejet, le fait qu’il soit immense et en complet décalage avec le reste en fait un monument spécial et précieux. Je le trouve même beau.

RBO le comparait injustement à un bol de toilette. Je le trouve plus poétique. Je trouve qu’il ressemble à un escargot géant ou à un ovni échoué. Je ne sais pas de quoi on parle quand on dit qu’il ne sert à rien : j’y ai assisté à plus d’évènements que n’importe où ailleurs à Montréal.

C’est la seule œuvre architecturale emblématique de Montréal : il faudra un jour se l’avouer, mais c’est notre tour Eiffel. Des gens viennent à Montréal entre autres POUR ça. Nommez-moi un autre symbole architectural d’envergure à Montréal, sachant que le château Frontenac est à Québec et le mont Royal est un site naturel. C’est ça qu’on détruirait.

Le Stade se trouverait ailleurs en Amérique du Nord et on tenterait de le protéger, d’en faire une curiosité. Au Québec, on préfèrerait en faire des tours dans le style du Quartier DIX30.

C’est ça qui coûte cher, en fait.

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