Depuis plusieurs années, l’économie du partage fait jaser.

Il y a eu l’épisode Uber, dès 2016⁠1, avec son projet pilote, puis ses conflits avec l’industrie du taxi qui a enflammé les discussions⁠2.

Un autre chef de file de l’économie du partage, Airbnb, combat toujours pour sa part la récente entrée en vigueur de règles plus strictes à son endroit⁠3. Et la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a récemment annoncé le recours à des inspecteurs pour « contrer l’hébergement touristique illégal de type Airbnb » 4.

Je me suis d’ailleurs déjà exprimé dans La Presse quant à l’occasion d’affaires ratée de nos politiciens avec Airbnb⁠5.

Force est de constater que l’économie du partage, à but lucratif en particulier, dérange.

Or, l’économie du partage semblait, de prime abord, une forme de révolution ; un modèle d’affaires qui alliait des objectifs sociaux à l’économie de marché, en transformant le consommateur-propriétaire en consommateur-utilisateur.

Bousculer pour survivre

L’économie du partage à but lucratif implique principalement trois parties prenantes : les clients, les fournisseurs (ceux qui offrent les biens ou services) et une plateforme. Celle-ci agit à titre d’intermédiaire technologique ou de marché virtuel en réduisant les coûts de transaction entre clients et fournisseurs. Ainsi, Uber, Airbnb et autres sont des intermédiaires qui dépendent des clients et fournisseurs pour exister.

Voilà, selon moi, pourquoi ces plateformes dérangent autant.

Pour exister, elles doivent brusquer l’ordre établi, car l’enjeu principal pour la survie d’une plateforme d’économie du partage est de générer une masse critique de clients et de fournisseurs. Sans cette masse critique, cet écosystème transactionnel ne peut pas survivre.

De plus, une entreprise d’économie du partage doit générer des effets de réseau et faire en sorte que plus les gens l’utilisent, plus les gens l’utiliseront, à l’image des réseaux sociaux. Cette réalité limite également la concurrence potentielle entre plusieurs plateformes et favorise une situation de monopole pour une même industrie.

Ces plateformes utilisent souvent la tarification dynamique afin d’inciter des fournisseurs à participer, en plus de moduler la demande, en ajustant les prix en fonction de moments de pointe ou de basse consommation.

Ce jeu de modulation des comportements nécessite des outils technologiques coûteux, qui peuvent freiner la rentabilité.

Impacts positifs

Au-delà d’Uber ou d’Airbnb, qui font les manchettes, l’économie du partage peut avoir des impacts positifs sur nos communautés.

Par exemple, l’entreprise Navigo, de North Hatley, au Québec, se présente comme l’« airbnboat des bateaux ». Elle vise à réduire les entrées et sorties des lacs. Fairbnb, en Europe, est une coopérative qui remet 7,5 % des commissions de réservation en initiatives communautaires directes dans la région visitée par un consommateur.

Plus près de nous, la Ville de Sainte-Julie met en location libre-service des véhicules du parc municipal hors des périodes d’utilisation des employés municipaux. Toutefois, sans l’implication de la Ville, on peut se demander si une entité à but lucratif serait en mesure de rentabiliser ce service.

N’empêche, donc, transformer le consommateur-propriétaire en consommateur-utilisateur peut aider nos communautés à atteindre certains objectifs.

Toutefois, on l’a vu, la nature même du modèle d’affaires limite la concurrence potentielle pour un même secteur d’activité. La rentabilité est également un enjeu considérable en raison des différentes parties prenantes requises ainsi que des investissements nécessaires à son déploiement.

De plus, force est d’admettre que celle-ci a une perception négative auprès du public et des politiciens.

En d’autres mots, malgré de bonnes intentions et de potentiels impacts positifs, l’économie du partage à but lucratif n’a pas fini de déranger.

1. Lisez l’article « Le projet-pilote d’Uber entre en vigueur » 2. Lisez l’article « Québec encadre les taxis et les nouveaux joueurs comme Uber » 3. Lisez l’article « Hébergement touristique : les nouvelles règles du jeu en vigueur le 1er septembre » 4. Lisez le message de Valérie Plante 5. Lisez la chronique « L’occasion d’affaires ratée » Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue