Emprisonné depuis 22 ans pour son implication dans la tuerie de Lennoxville, l'ancien chef des Hells Angels, Réjean «Zig-Zag» Lessard, pourra dire un jour qu'il a eu deux vies bien distinctes: l'une d'une extrême violence, et l'autre nourrie de bouddhisme zen. Son comportement «exceptionnellement impeccable» depuis son incarcération a été récompensé, hier, devant la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC), qui l'a muté dans une maison de transition.

D'un moral d'acier, Lessard, qui est dans la cinquantaine, doit indubitablement sa nouvelle personnalité à sa rencontre, en 1987 avec celui qui est devenu son maître bouddhiste, Albert Lowe. À l'en croire, c'est grâce à la méditation et aux conseils de son guide spirituel qu'il a trouvé la force de purger une aussi longue peine et qu'il s'est réconcilié avec lui-même. «Je ne suis plus le même homme, j'ai au-delà de 20 ans de réflexion derrière moi», a-t-il répondu aux commissaires, qui l'interrogeaient sur son changement de vie aussi marqué. Au fil des années, il a aussi suivi à peu près tout ce qu'il y a comme thérapies et programmes de réhabilitation sociale en prison.

 

Il faut dire que Lessard part de loin, de très loin même. Jouissant d'une belle éducation, mais rebelle et en brouille avec sa mère, il a claqué la porte de chez lui à 14 ans. Désorienté, il s'est retrouvé avec les Maraudeurs d'Asbestos, un petit club de motards qui faisait la pluie et le beau temps dans la région. Il s'est ensuite joint aux Hells Angels peu après leur arrivée au Québec, en 1977. Il en a pris les rênes en 1983 à la suite de l'assassinat de leur chef, Yves Buteau, leader de la génération de motards davantage intéressés à faire de la «business» qu'à fêter et se saouler sans arrêt. L'aventure de Lessard dans le monde criminel a pris une tournure morbide en 1985 quand les Hells Angels de Sorel ont décidé d'éliminer leurs «frères» de Laval, portés sur la consommation de drogues et réfractaires aux règles du club. C'est Lessard qui a convoqué les cinq victimes au repaire de Lennoxville, près de Sherbrooke, où s'est déroulée la tuerie.

«En adhérant aux Hells Angels, j'adhérais à la criminalité. Dans ce milieu, le club passait avant tout. Je voyais le bateau en train de couler à cause des risques de dissension interne. Il fallait passer à l'action. C'est sûr que c'était extrême d'en tuer cinq, mais c'était comme ça dans ce milieu, c'était la loi du talion. Aujourd'hui, je sais que c'était inacceptable. J'ai manqué de réalisme, j'étais dans une bulle. Le monde des motards, c'était un idéal qui n'existait pas...» a-t-il dit aux trois commissaires, qui s'expliquaient mal qu'il ait joué un rôle de premier plan dans une tuerie semblable. «C'est seulement en prison que j'ai pris conscience de tout ce désastre-là», a souligné Lessard.

Il dit avoir rompu tous les liens dès 1987 avec ses anciens amis. Mieux encore, il affirme n'avoir eu qu'un seul véritable ami en prison pendant les 20 dernières années. Il s'est imprégné de la philosophie bouddhiste. Il fait de la méditation depuis neuf ans et fréquente un centre de la culture zen lors de ses permissions de sortie. Il a renoué avec ses parents et il s'est fait une amie il y a deux ans. Une fois en maison de transition, il entend se trouver un emploi. Il a l'appui de sa famille et de son maître zen.