Qu'ils soient en béton, en fil barbelé ou même virtuels, les murs sont de plus en plus présents. Actuellement, les 17 barrières internationales recensées par le géographe français Michel Foucher s'allongent sur 7500km. Quand tous les plans de construction seront réalisés, la planète comptera 18000km de frontières fortifiées.

Cisjordanie: le mur sans frontière

«Nous avons mille bonnes raisons de construire la barrière de sécurité», clament les Israéliens en faisant référence au millier de victimes des attentats terroristes de la deuxième Intifada, au début des années 2000. Mais pour les Palestiniens, cette barrière érigée depuis 2002 n'est rien d'autre qu'un «mur de la honte». Au lieu de suivre la frontière reconnue d'Israël, le mur serpente dans les collines de Cisjordanie. À plusieurs reprises, les tribunaux ont forcé Israël à revoir le tracé de la barrière. Selon ses critiques, le mur poursuit un objectif politique: établir unilatéralement la future frontière d'Israël.

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Un Palestinien marche entre des sections du mur de béton érigé en Cisjordanie.

Ceuta et Melilla : un bouclier contre l'Afrique

Une nuit de septembre 2005, des centaines d'Africains se sont lancés à l'assaut des clôtures qui marquent la frontière de deux enclaves espagnoles au Maroc, Ceuta et Melilla. Ceux qui ont réussi à franchir la clôture ont atterri... en Europe. Pour freiner ce flux migratoire, l'Espagne a haussé les clôtures existantes, qui sont passées de trois à six mètres, en a construit une nouvelle et a doublé le tout d'un enchevêtrement touffu de fils de fer. Le passage marocain vers l'Europe est devenu quasiment infranchissable. Mais les migrants en ont trouvé d'autres.

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L'Espagne a érigé des clôtures et des barbelés autour de ses enclaves à Ceuta et Melilla, au Maroc, pour empêcher les migrants africains de mettre le pied en Europe.

Sahara occidental: le mur de sable

Pour se protéger contre les incursions du Front Polisario, qui réclame une vaste partie du Sahara occidental, le Maroc a entrepris en 1980 d'ériger un mur dans le désert. Aujourd'hui, la «grande muraille du Maroc» court sur 2720km. Elle consiste essentiellement en une double rangée de remblais de sable, renforcée par des points de contrôle militaire, des mines et des barbelés. Au total, près de 120 000 soldats sont nécessaires pour garder cette barrière de sable. Son entretien à lui seul coûte au moins 2 millions par jour.

Cachemire: le mur contre la terreur

À Wagha, un poste-frontière unique permet de passer de l'Inde au Pakistan en passant par le Cachemire. Tous les jours, les garde-frontières procèdent, de part et d'autre, à un changement de garde aux accents patriotiques. Devant eux, la foule crie «Longue vie à l'Inde!» ou «Longue vie au Pakistan!» selon le cas. Au-delà du point de passage, les deux Cachemires sont séparés, depuis cinq ans, par une barrière haute de plus de trois mètres qui se dresse au milieu d'un paysage montagneux. L'Inde a voulu ainsi se protéger contre l'infiltration de séparatistes pakistanais dans son territoire.

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Changement de garde devant l'unique porte dans la clôture qui sépare l'Inde du Pakistan, au Cachemire.

Belfast: les murs de la haine

Quand l'armée britannique a déroulé une clôture de barbelés entre catholiques et protestants, dans l'ouest de Belfast, elle s'est fait rassurante: «Nous n'aurons pas un mur de Berlin dans cette ville.» C'était en 1969, après une violente nuit d'émeutes. Quarante ans plus tard, les barbelés ont été remplacés par un imposant mur de béton. Ce n'est que l'un des 88 «murs de paix» qui déchirent aujourd'hui Belfast, et qui contribuent à cimenter les divisions entre les deux communautés. Malgré la paix retrouvée, rares sont ceux qui souhaitent les voir tomber. La haine et la peur sont encore trop présentes.

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Une femme passe devant l'un des 88 «murs de la paix» de Belfast.

Arabie Saoudite: le royaume emmuré

Le plus grand producteur de pétrole au monde juge ses voisins encombrants. Au sud, le Yémen est un vivier de jihadistes. Au nord, l'Irak ne le rassure pas davantage. Or, un attentat risquerait de déstabiliser toute son économie. Pour bloquer l'infiltration de terroristes, Riyad a donc entrepris en 2007 la construction d'une barrière ultramoderne le long de sa frontière avec l'Irak. Et le royaume saoudien ne compte pas s'arrêter là. Il veut se doter d'un système sophistiqué de surveillance radar, qui captera toute intrusion par terre, mer ou air le long de ses 5000 kilomètres de frontières. Un projet de dix milliards de dollars.

Mexique-États-Unis : bloquer l'espoir

Dans la ville frontalière mexicaine de Tijuana, des cercueils ont été cloués au mur qui empêche les clandestins de se faufiler en Californie. Une façon d'honorer la mémoire des 2000 Mexicains morts depuis 15 ans pour avoir voulu vivre leur rêve américain. Ils ont été tués par des gardes-frontières, se sont noyés dans le Rio Grande ou sont tombés dans le désert brûlant de l'Arizona. Chaque année, un million d'immigrants illégaux réussissent à franchir ce dangereux parcours à obstacles. Pour leur bloquer la route, les États-Unis ont entrepris en 2006 la construction d'une barrière ultrasophistiquée de 1130 kilomètres. Coût: 8 milliards de dollars.

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À la mémoire des morts, des cercueils factices ont été cloués sur des murs à Tijuana.

Chypre: l'île divisée

D'un coup de crayon vert, en 1964, le général Peter Young, commandant des forces de paix des Nations-Unies, divisait Chypre et sa capitale, Nicosie. Dix ans plus tard, cette fameuse « Ligne Verte « devenait infranchissable, cloîtrant les Chypriotes grecs au sud et les Chypriotes turcs au nord. Avec le temps, la zone tampon de 180 kilomètres, patrouillée par les Casques Bleus, est devenue un no man's land - et un havre pour la faune de l'île méditerranéenne. Une brèche a été ouverte en 2003, mais les négociations pour la réunification de l'île restent difficiles. Nicosie demeure la dernière ville divisée d'Europe.

Zimbabwe-Botswana: les indésirables

Quand le Botswana a érigé une barrière électrifiée le long de sa frontière avec le Zimbabwe, en 2005, il a assuré que c'était pour prévenir une épidémie de fièvre aphteuse. Mais construire une barrière de quatre mètres, surmontée de barbelés, c'est se donner bien du mal pour ne refouler que du bétail. Au Zimbabwe, personne n'y a cru. « Le Botswana essaie de créer une autre bande de Gaza «, s'est plaint le gouvernement de Robert Mugabe. Ce dernier n'a qu'à s'en prendre qu'à lui-même : c'est son régime que les Zimbabwéens fuient - par dizaines de milliers - vers le Botswana, plus stable et plus prospère.

Bagdad: un rappel du chaos

Les habitants de Bagdad ne voulaient pas d'un mur. Au printemps 2007, ils sont descendus dans la rue par milliers pour protester contre l'érection d'une barrière de sécurité de cinq kilomètres, destinée à séparer les sunnites et les chiites du quartier d'Adhamiya. Peine perdue. L'armée américaine était déterminée à briser le cycle de violence sectaire qui sévissait dans la capitale. Depuis, d'autres murs ont été érigés - toujours dans la controverse, mais parfois avec succès : selon l'armée, ces murs de béton et de barbelés ont considérablement fait chuter le nombre d'attentats. Reste que leur seule présence est un rappel constant du chaos irakien.

Les enclaves volontaires

Au moins huit millions d'Américains vivent, par choix, derrière une barrière que nul ne peut franchir à moins d'y être autorisé. Nées au tournant des années 70, les communautés fermées (Gated Communities) se sont répandues un peu partout aux États-Unis, choisissant leurs résidants selon des critères d'âge, de richesse ou de classe sociale. Les premières « villes fermées » regroupaient des retraités fortunés. De plus en plus, elles attirent aussi des familles de la classe moyenne. Pour éviter de partager leurs ressources avec des quartiers plus problématiques, certaines « villes fermées » se constituent en municipalités et gèrent toutes seules leurs ressources. Ces enclaves gardées 24 heures sur 24 comptent entre 100 et 19 500 habitants. Dans la seule région de Los Angeles, il y en a plus d'une centaine. Des chercheurs ont estimé que, aux États-Unis, entre 10 et 30% des nouveaux immeubles se construisent dans ces communautés réservées à une clientèle choisie. Au fil des ans, le phénomène a dépassé les frontières des États-Unis. Les Gated Communities se sont répandues en Amérique latine, en Afrique et, plus récemment, en Europe de l'Est. Et aussi au Canada, où, il y a cinq ans, on recensait déjà une centaine de ces quartiers clôturés, surtout dans les régions de Vancouver et de Toronto.

Les murs virtuels

À l'heure de l'Internet, les murs ne sont pas tous faits de béton et de fils de fer. Douze pays ont érigé autour d'eux une «cybermuraille» qui bloque l'accès à des informations jugées indésirables, constate Reporters sans frontières dans un rapport publié en mars. Ces pays sont : l'Arabie Saoudite, la Birmanie, la Chine, la Corée du Nord, Cuba, l'Égypte, l'Iran, l'Ouzbékistan, la Syrie, la Tunisie, le Turkménistan et le Vietnam. Leurs gouvernements ont transformé la Toile en une sorte d'intranet national où l'on navigue sous surveillance, dans un espace bien délimité. Comme d'autres murs, celui-ci a des brèches: dans certains pays, des logiciels permettent de contourner la censure. Il s'agit de trouver un propriétaire de cybercafé complaisant et courageux.

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Douze pays ont érigé une «cybermuraille» qui bloque l'accès à des informations indésirables.