Il semble y avoir un obstacle de plus à l'obtention, pour les membres du comité spécial des Communes sur la mission en Afghanistan, des nombreux documents produits par le diplomate Richard Colvin informant le gouvernement sur la torture de prisonniers en Afghanistan.

Car M. Colvin craint de ne pas avoir l'immunité nécessaire pour éviter des «répercussions graves», comme celles de faire face à d'éventuelles peines d'emprisonnement.

En effet, les avocats du ministère de la Justice ont indiqué à M. Colvin, par l'entremise du ministère des Affaires étrangères, qu'ils n'adhèrent pas à la thèse selon laquelle un témoignage devant le Parlement exempte le témoin de souscrire aux dispositions touchant la sécurité nationale comprises dans la Loi sur la preuve au Canada.

Devant cette affirmation, l'avocate de M. Colvin a écrit au comité spécial pour l'aviser que son client ne sera donc pas en mesure de déposer les documents dont il a parlé la semaine dernière lors de son témoignage fracassant.

Dans une lettre dont La Presse Canadienne a obtenu copie, l'avocate Lori Bokenfohr indique que M. Colvin ne pourra pas répondre aux demandes du comité «sans plus d'instructions sur la question de l'applicabilité de la section 38 aux documents».

Quelqu'un reconnu coupable d'avoir violé la section 38 de la Loi sur la preuve est passible d'une peine d'emprisonnement de cinq ans.

Les partis d'opposition demandent que ce soit au gouvernement de déposer ces documents cités par Richard Colvin, ainsi que les réponses que lui a fournies le ministère des Affaires étrangères.

Si c'était le gouvernement qui rendait publics ces rapports, tous pourraient enfin en connaître le contenu et M. Colvin ne risquerait rien, a souligné l'opposition.

A la sortie de la période de questions, mercredi, le porte-parole libéral en matière d'Affaires étrangères, Bob Rae, s'est scandalisé de l'attitude du gouvernement.

«Comment allons nous obtenir la vérité sur quoi que ce soit quand nous nous faisons dire par les ministres ou n'importe qui que nous n'aurons aucun accès aux documents?», a-t-il demandé.

Le chef bloquiste Gilles Duceppe a souligné la contradiction entre les propos tenus en début de semaine par le ministre de la Défense, Peter MacKay, et la nouvelle position avancée par le ministère de la Justice sur la Loi de la preuve.

«MacKay a dit «on va rendre publics tous les documents» hier (mardi), c'est-à-dire tous les documents que légalement on peut rendre publics. Puis aujourd'hui (mercredi) le ministère de la Justice interdit à M. Colvin de déposer les documents. Donc, c'est des mensonges d'un bout à l'autre», a-t-il lancé.

Pour le leader du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jack Layton, il apparaît «très clair que le gouvernement a une campagne systématique pour cacher ce qui se passe».

Le comité spécial des Communes sur la mission en Afghanistan, qui s'est réuni mercredi pour entendre notamment le témoignage du général à la retraite Rick Hillier, a adopté une motion du néo-démocrate Paul Dewar pour que soient requis au plus vite tous les documents gouvernementaux concernant la torture des détenus.

Mais pour M. Dewar, il apparaît évident que le gouvernement conservateur n'a pas envie de coopérer sur ce point.

Depuis le début de la semaine, les partis d'opposition insistaient pour que le gouvernement dépose les documents, dont les fameux rapports de M. Colvin, avant la venue David Mulroney, l'ancien sous-ministre pointé du doigt par le diplomate lors de sa comparution.

Ils doivent cependant se résoudre à entendre d'abord ce que M. Mulroney a à dire, puisque le témoignage de celui qui est aujourd'hui ambassadeur en Chine aura lieu aussi tôt que jeudi.

Plus tôt dans la journée, le ministre MacKay, qui occupait à l'époque le poste de ministre des Affaires étrangères, s'est défendu d'avoir vu les rapports de M. Colvin.

A la sortie du caucus conservateur, mercredi, il a tout de même admis avoir lu certains document auxquels M. Colvin avait contribué.

«Après que le nouvel arrangement sur le transfert (des prisonniers) eut été mis en place, j'ai reçu des notes de service du sous-ministre et il y avait des documents attachés auxquels M. Colvin a contribué. Mais je n'ai pas reçu de rapports directs de M. Colvin», a-t-il affirmé.

Il a dû apporter cette précision après qu'il eut été révélé que le bureau du ministre des Affaires étrangères figurait parmi les destinataires des rapports de M. Colvin, une information que ce dernier n'avait pas été en mesure de confirmer lors de son témoignage.