L'un des témoins-clés de la mort de Fredy Villanueva, Jonathan Sénatus, arrêté deux mois plus tard dans son logement en possession d'une arme à feu prohibée, a été dépeint comme une victime terrorisée par les gangs de rue, hier au palais de justice de Montréal.

Le jeune homme de 21 ans, sans casier judiciaire, a été «manipulé et menacé» par des membres de gangs de rue qui gravitaient dans son entourage pour le forcer à cacher l'arme dans son logement de Montréal-Nord, selon son avocat, Me Jacky Salvant. Membres de gangs dont il a toujours peur aujourd'hui, selon l'avocat qui a fait ces déclarations aux médias à l'extérieur de la salle de cour.

 

Devant la juge Louise Villemure, Me Salvant a toutefois été plus vague lors des plaidoiries sur la sentence. Il a qualifié son client de «naïf» et a dit qu'il s'était trouvé au «mauvais endroit, au mauvais moment». Dans un rapport préparé en vue de la sentence à imposer, un agent de probation a également souligné la naïveté du jeune homme. Le 5 octobre 2008, soit deux mois après la mort de Fredy Villanueva, Jonathan Sénatus a appelé le 911 pour demander aux policiers de venir mettre un terme à une «bagarre» qui avait lieu dans son logement. C'est lors de cette intervention policière que les agents ont trouvé de manière fortuite dans un placard un sac contenant une arme à feu semi-automatique à canon long. S'il avait été membre de gang - un milieu connu pour son profond mépris envers les délateurs -, aurait-il vraiment appelé lui-même la police pour une bagarre, et ce, sachant qu'il cachait une arme? a demandé Me Salvant.

Jonathan Sénatus a été arrêté ce soir-là en même temps qu'un autre témoin-clé de la mort de Fredy Villanueva, Anthony Clavasquin. Les policiers ont noté dans leur rapport avoir entendu Clavasquin prononcer le mot «Lapointe», en référence à l'agent Jean-Loup Lapointe qui a tué Fredy Villanueva. Cet incident avait d'ailleurs été rapporté lors d'une étape préliminaire à l'enquête publique du coroner, servant d'argument aux avocats des policiers impliqués dans la mort du jeune Villanueva pour réclamer une ordonnance de non-publication des photos des deux agents. Le coroner Robert Sansfaçon (remplacé depuis par André Perreault) avait retenu cet incident pour accorder l'ordonnance, le qualifiant de «menace à peine subtile».

Or, Anthony Clavasquin a été libéré depuis de l'accusation de possession d'arme prohibée portée contre lui. Ni lui ni Sénatus n'ont été accusés de menace. En mai dernier, Sénatus a coupé court au processus judiciaire en plaidant coupable. Hier, la procureure de la Couronne, Natalie Brissette, n'a pas parlé de cette menace ni même d'une quelconque affiliation aux gangs de rue.

Autre fait nébuleux dans cette histoire: Sénatus devait présenter une requête pour retirer son plaidoyer de culpabilité, hier. La défense avait convoqué le «véritable propriétaire de l'arme». Ce dernier était présent dans la salle d'audience. Or, sans explication, à la dernière minute, Me Salvant lui a demandé de ne plus témoigner.

L'air très nerveux, Jonathan Sénatus a témoigné, lui, sans jamais nommer le «véritable propriétaire de l'arme». Il pensait «rendre service» sans s'imaginer les conséquences. «Je ne voulais pas garder ça chez moi. Je disais à la personne de venir la chercher, et elle me disait: demain, demain, demain. Mais elle ne venait jamais la chercher», a-t-il expliqué à la juge Villemure. Le jeune homme, qui travaille à temps plein comme agent de service à la clientèle pour une société qui gère des régimes de retraite, craint de perdre son emploi s'il possède un casier judiciaire.

La défense a suggéré une absolution tandis que la Couronne estime qu'une peine à purger dans la communauté serait adéquate. La Couronne a plaidé que le fait de posséder une telle arme, même si c'est pour quelqu'un d'autre, est un crime violent. La juge Villemure rendra sa décision le 7 décembre.