La France, déjà régulièrement montrée du doigt en raison de ses problèmes de surpopulation carcérale, vient de franchir un nouveau cap qui inquiète les organisations de défense des droits des détenus.

Selon l'Autorité pénitentiaire, il y avait, au début du mois de juillet, 64 250 personnes en détention dans le pays, un record, alors qu'il n'existe officiellement que 50 807 places dans les établissements pénitentiaires.

Le taux d'occupation résultant de 126% est supérieur de 24% à la moyenne européenne. Environ deux tiers des établissements sont en surpopulation et 7% d'entre eux hébergent deux fois plus de détenus que prévu.

«Le résultat m'attriste. Mais il faut malheureusement s'attendre à ce que le record soit battu de nouveau à chaque mois qui passe. Notre pays souffre d'hyperinflation carcérale», déplore Patrick Marest, porte-parole de l'Observatoire internationale des prisons, qui surveille les conditions de détention.

Il explique la flambée du nombre de détenus par les orientations du gouvernement en matière pénale. «Depuis 2002, on a multiplié les lois de plus en plus répressives qui envoient de plus en plus de gens en prison pour des durées de plus en plus longues», souligne M. Marest.

Les instances européennes ont fustigé la France à plusieurs reprises en raison du traitement réservé aux détenus, qui risque de se détériorer plus encore.

L'ex-commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Alvaro Gil-Robles, avait écorché le pays dans un rapport rendu il y a quelques années, dressant un parallèle avec les conditions de détention observées en Moldavie.

Il s'était notamment indigné de l'existence dans plusieurs établissements français de cellules insalubres et surchargées dans lesquelles des détenus étaient forcés de dormir près de toilettes en mauvais état. Et du fait que des personnes en garde à vue dormaient à même le sol dans des cellules de commissariat.

La Ligue des droits de l'homme avait parlé d'un rapport «honteux» pour l'Hexagone, déplorant au passage que le gouvernement se contente «d'affirmer que tout va bien sans répondre sur le terrain des faits».

«On ne connaît hélas que trop de pays où les proclamations officielles des gouvernants sont cruellement démenties par la réalité subie par la population», soulignait l'organisation.

L'État français condamné

Faute d'obtenir une oreille attentive du gouvernement sur la surpopulation, certaines organisations ont entrepris au cours des dernières années de contre-attaquer par la voie judiciaire.

Un tribunal de Rouen a ainsi condamné en avril 2008 l'État français à verser 3000 euros pour «préjudice moral» à un détenu qui avait été forcé de partager pendant cinq ans des cellules de 10 à 12 mètres carrés avec deux autres personnes.

Le juge a conclu que ces conditions de détention constituaient un «manquement aux règles d'hygiène et de salubrité» et n'assuraient pas le respect de la dignité humaine.

Selon M. Marest, la décision pourrait inspirer d'autres requêtes du même genre. «Il faut faire entendre raison à cette administration par tous les moyens possibles», note-t-il.

Dans la même veine, l'Association parisienne de défense pénale invitait il y a quelques semaines ses membres à «déposer massivement des demandes en mise en liberté de leurs clients placés en détention provisoire dans des établissements pénitenciers surpeuplés».

La ministre de la Justice, Rachida Dati, en réponse à la crise, a mis de l'avant un projet de loi qui doit faciliter la remise en liberté sous surveillance de personnes en attente de jugement. Le gouvernement prévoit par ailleurs la construction de milliers de cellules additionnelles dans les prochaines années.

Ces démarches ne régleront rien, juge M. Marest, qui plaide, entre autres, pour le remplacement des peines légères par des travaux d'intérêt général.

«Ça se fait dans beaucoup d'autres pays européens. Il n'y a pas de raison que la France n'en fasse pas autant... Il faut cesser le recours abusif à l'incarcération», plaide le porte-parole.