Pour faciliter la tenue d'obsèques par des couples éprouvés par une grossesse ayant mal tourné, l'État français permettra l'inscription dans les registres d'état civil des «enfants mort-nés» sans égard à leur durée de gestation.

La nouvelle mesure, officialisée la semaine dernière par deux décrets parus dans le Journal officiel, en pleine période estivale, inquiète les organisations féministes du pays. Elles craignent que l'initiative facilite la contestation du droit à l'avortement en conférant un statut juridique au foetus.

Le gouvernement, qui juge ces craintes infondées, affirme que son objectif est d'apporter une «réponse pragmatique et humaine» aux situations administratives «traumatisantes» rencontrées par les «familles d'enfants mort-nés auxquelles ne peut être délivré ni acte de naissance ni acte de décès».

Jusqu'ici, les foetus morts après une gestation de moins de 22 semaines ou pesant moins de 500 grammes étaient incinérés avec les déchets biologiques dans les hôpitaux, sans égard à la volonté des parents. Ces normes correspondaient aux seuils de viabilité fixés par l'Organisation mondiale de la santé.

En février, la Cour de cassation avait soulevé la polémique en statuant qu'un foetus devait pouvoir être déclaré à l'état civil quel que soit son poids ou la durée de la grossesse. Les nouveaux décrets viennent combler le vide juridique créé par cette décision.

Désormais, les couples éplorés qui désirent récupérer le foetus pour procéder à des obsèques devront obtenir du praticien un certificat précisant le lieu, la date et l'heure de l'accouchement avant de saisir l'état civil. Ils pourront aussi s'ils le désirent faire figurer le «nom» du foetus dans le livret de famille qui est mis à jour après chaque naissance.

La révision française survient alors que le gouvernement québécois jongle avec l'idée d'assouplir les conditions permettant aux familles endeuillées d'offrir une sépulture à des foetus mort-nés.

Les textes des décrets français, très courts, ne mentionnent pas de période minimale de gestation et ne font aucune référence à la période maximale autorisée pour l'interruption volontaire de grossesse (IVG), soit 12 semaines après la formation de l'embryon.

«Nous avons introduit dans le texte la notion d'accouchement établi par certificat médical comme condition nécessaire à la délivrance d'un acte d'enfant sans vie''. Or, l'IVG n'est pas un accouchement, donc rien n'est remis en cause», déclarait il y a quelques jours l'un des corédacteurs du projet, le député Philippe Gosselin.

Craintes des féministes

Marie-Pierre Martinet, qui chapeaute le Mouvement français pour le planning familial, favorable au droit des femmes «à la maîtrise de leur fécondité», ne partage pas cet optimisme.

«Il est évident que l'on joue avec le feu. À partir du moment où l'on ouvre une brèche, en mélangeant les notions d'embryon, de foetus et d'enfant, tout est possible. Le droit des femmes à l'avortement peut à terme être mis en cause», souligne-t-elle.

L'Alliance pour les droits de la vie, qui milite contre l'avortement, estime que les nouveaux décrets vont dans le sens de l'évolution de la recherche scientifique, de «plus en plus» portée à reconnaître «l'humanité du foetus». Ses dirigeants souhaitent que le gouvernement aille plus loin en adoptant une loi en bonne et due forme.

Lors du débat soutenu ayant suivi en février la décision de la Cour de cassation, plusieurs organisations religieuses avaient accusé les groupes féministes de manquer de sensibilité face à la souffrance des familles affectées par la mort d'un foetus.

Des accusations qui laissent de marbre Mme Martinet. «Combien de femmes sont mortes faute d'avoir eu accès à un avortement sécuritaire et légal? Elle est où l'humanité?» demande la sociologue de formation.

Il faut, insiste-t-elle, assurer un soutien psychologique conséquent aux familles dont le «projet d'enfant» a tourné court plutôt que de s'engager sur la voie «dangereuse» ouverte par le gouvernement avec sa réforme.