Un lot de lettres d'amour écrites dans les années 70 par le braqueur de banques français Jacques Mesrine à une flamme québécoise n'aura finalement pas trouvé preneur pour la somme demandée.

Bien que les enchères se soient arrêtées, samedi, à quelques milliers de dollars du prix plancher de 75 000$ demandé, l'initiative de la maison Druot, à Paris, aura encore une fois mis en évidence la fascination que ressent le public pour le célèbre criminel.

 

Elle aura aussi placé sous les projecteurs des pratiques de commercialisation qui suscitent bien des interrogations sur le plan éthique.

Les critiques de ces pratiques estiment qu'il est inacceptable de chercher à tirer profit d'oeuvres ou d'objets associés à des criminels qui, comme Mesrine, avaient du sang sur les mains.

La maison Druot affirme pour sa part que l'intérêt «historique» de ces écrits justifiait leur mise en vente. «Mesrine était un personnage sulfureux, qui a marqué les esprits et qui appartient à la mémoire collective... Il ne s'agit pas de faire son apologie», explique Frédéric Castaing, qui a expertisé les lettres.

«La mise en vente de lettres de Victor Hugo, de Baudelaire, voire de Louis XIV suscite souvent moins d'intérêt que celle de lettres de Mesrine», ajoute-t-il pour souligner l'intérêt populaire.

Dessins d'enfants

Les textes du criminel, qui s'est lié avec la Québécoise Jocelyne Deraîche lors de son passage dans la province au début des années 70, ont peu de chances de rivaliser par leur qualité avec les écrits de grands écrivains français.

Accompagnés de petits dessins enfantins, ils montrent une autre facette du coloré personnage, récemment interprété à l'écran par le comédien français Vincent Cassel.

Selon M. Castaing, d'autres criminels notoires ont produit des écrits qui suscitent l'intérêt des collectionneurs. C'est le cas notamment, dit-il, de Pierre François Lacenaire, escroc et criminel français exécuté en 1836 à la suite d'un double assassinat. Lui aussi a récemment fait l'objet d'un film.

L'intérêt pour la production, écrite ou autre, de criminels et les objets leur ayant appartenu est particulièrement marqué aux États-Unis, où plusieurs sites de mise aux enchères cherchent à en tirer profit.

C'est le cas par exemple de murderauction.com ou daisyseven.com, qui se félicitent du fait que «le crime paie, tous les jours».

Hier, le premier site proposait, pour une somme modeste, une lettre écrite par un tueur en série de l'État de la Floride qui se targuait d'avoir tué plus de 40 personnes. Ou, pour 135$, un extrait de naissance du tristement célèbre Charles Manson.

Plusieurs États du pays ont entrepris de légiférer pour bloquer ce type de commerce, au risque de se voir accusé de porter atteinte à la liberté d'expression.

Enchères interdites

Le site eBay, en réponse aux pressions, interdit toute enchère liée à des objets de criminels, désignés comme du «murderabilia». «De tels articles peuvent être profondément insultants pour les familles des victimes», souligne l'entreprise, qui a récemment refusé la vente de dessins produits par un homme accusé du meurtre d'un médecin proavortement.

Les autorités canadiennes se sont opposées pareillement l'année dernière à ce que l'ex-gourou Roch Thériault, condamné à la prison à perpétuité pour un meurtre sordide, puisse vendre des «oeuvres» sur le site murderauction.com à partir de sa prison au Nouveau-Brunswick.

Le Service correctionnel du Canada, qui était passé à l'action à la demande de l'ancien ministre de la Sécurité publique Stockwell Day, a prévenu le politicien que l'interdit était difficile à justifier sur le plan juridique et pourrait être renversé en cour.

Malgré les questions éthiques soulevées par l'initiative en France, la mise en vente de lettres écrites par Mesrine n'a suscité pratiquement aucun débat dans l'Hexagone.