Les négociations indirectes qui commencent aujourd'hui au Proche-Orient porteront-elles leurs fruits? Le premier ministre palestinien, Salam Fayyad, l'espère, mais refuse de mettre tous ses oeufs dans le panier de la diplomatie. Portrait d'un homme en mission.

Août 2011. Dans le calendrier du premier ministre de l'Autorité palestinienne, Salam Fayyad, ce mois est encerclé en rouge. Deux fois plutôt qu'une. C'est que le politicien s'est donné tout un objectif à relever d'ici cette date fatidique: bâtir un État palestinien viable, prospère, prêt pour l'indépendance. Que ça plaise ou non à Israël.

 

Ceux qui visitent la Cisjordanie ces jours-ci voient déjà les contours de la Palestine que Salam Fayyad veut construire en améliorant la sécurité, en prônant la non-violence et en mettant sur pied de solides institutions. Les policiers palestiniens sont déjà légion dans les rues de Ramallah et de Bethléem. Les magasins et les restaurants sont bondés, en grande partie grâce à la croissance économique de 7% qu'a connue la Cisjordanie l'an dernier.

«Quoi qu'il advienne des négociations, notre travail est de tout faire en notre pouvoir pour nous préparer au statut d'État», a dit en entrevue récemment le premier ministre palestinien, en ajoutant que légalement, il serait difficile pour Israël et le reste du monde de ne pas reconnaître un État palestinien qui fonctionne, qui a sa police, ses écoles, ses hôpitaux.

Autant au sein du gouvernement israélien que dans les hautes sphères du Hamas et du Fatah, cette menace de déclaration d'indépendance unilatérale fait sourciller. Mais parmi la population civile palestinienne, l'idée plaît à la grande majorité.

Cote à la hausse

Les sondages disent aussi que l'homme qui fait la promotion de cette avenue et qui n'hésite pas à se pointer dans les petits villages de la Cisjordanie pour planter des arbres ou assister à une célébration locale, gagne sans cesse en popularité. Salam Fayyad est aujourd'hui le politicien le plus apprécié des territoires palestiniens après Ismaël Haniyeh du Hamas et Marwan Barghouti, présentement en prison.

Les médias palestiniens l'encensent aussi ces jours-ci. «Le seul commandant avec un plan - Salam Fayyad: une nouvelle espèce de politicien», a écrit à la une le journal Al-Quds la semaine dernière.

Ce titre de journal est révélateur: Salam Fayyad a bien peu en commun avec la plupart des hommes politiques palestiniens. Né à Tulkarm en 1952, il n'a jamais fait partie de la rébellion armée, comme Yasser Arafat et Mahmoud Abbas. Pendant que ces derniers faisaient la guerre, le jeune Fayyad obtenait un doctorat en économie à l'Université du Texas.

Après l'obtention de son diplôme, celui que le New York Times décrivait la semaine dernière comme «un homme petit, précis, avec un esprit ordonné» a travaillé à la Banque mondiale pendant 10 ans et au Fonds monétaire international avant de prendre les rênes du ministère des Finances du gouvernement du Fatah de 2002 à 2007.

En juin 2007, Mahmoud Abbas a nommé Salam Fayyad premier ministre de l'Autorité palestinienne et ce, même s'il n'appartient pas au Fatah. Abbas répondait ainsi à une recommandation du gouvernement de George W. Bush, qui ne cachait pas son affection pour l'économiste.

Cette sympathie pour l'homme semble partagée par l'administration Obama ainsi que par le magazine Time, qui a inclus Salam Fayyad dans son palmarès des 100 personnes les plus influentes du monde. L'article que le magazine lui a consacré est signé par l'ex-premier ministre britannique Tony Blair.

S'il a plus de fans que jamais, Salam Fayyad a aussi des détracteurs. Dans les coulisses, parmi les pays qui appartiennent au Quartet supervisant les négociations de paix, plusieurs croient que son projet d'indépendance sera difficile à réaliser. Mahmoud Abbas, lui, a récemment voulu rappeler à son premier ministre qu'il n'est pas le patron. «Il n'est pas question de déclarer l'indépendance unilatéralement en 2011. Nous allons respecter les ententes», a dit Abbas.

Avec la collaboration du politologue Sami Aoun, le New York Times, Haaretz, Time