Le président de l’Azerbaïdjan réalise son rêve en prenant le contrôle du Haut-Karabakh

Nom : Ilham Aliev

Âge : 61 ans

Fonction : président de l’Azerbaïdjan

Signes distinctifs : patriotisme, pouvoir, pétrodollars

Pourquoi on en parle

L’Azerbaïdjan a repris cette semaine le contrôle définitif du Haut-Karabakh, une enclave arménienne en territoire azéri. Cette opération est le dernier chapitre d’une guerre « figée » qui opposait depuis 1990 l’Azerbaïdjan et les séparatistes arméniens de la république d’Artsakh. Depuis le début de la semaine, 100 000 Arméniens ont quitté la zone pour s’exiler en Arménie, par crainte d’un « nettoyage ethnique ».

Pourquoi reprendre ce territoire

Le contrôle du Haut-Karabakh est un vieux rêve pour Ilham Aliev, président de l’Azerbaïdjan depuis 2003. Cette enclave arménienne, située en plein cœur du pays, était pour lui une épine dans le pied.

« Tout est dans la carte [géographique], souligne Inna Naroditskaya, professeure à l’Université Northwestern de Chicago, originaire de l’Azerbaïdjan. C’est comme si la ville française de Lyon était au milieu de l’Allemagne… » Aliev n’est pas reconnu comme un « marchand de guerres, ajoute-t-elle. Mais le statut du Haut-Karabakh était ambigu et un jour ou l’autre, cette question devait être réglée ».

Selon Bahruz Samadov, chercheur à l’université Charles de Prague (République tchèque), le nationalisme exacerbé d’Aliev est aussi au cœur de ses motivations. « Je ne dirais pas que c’était quelque chose de personnel, mais c’était une forme de revanche, explique Bahruz Samadov, journaliste azéri établi en République tchèque. Après la deuxième guerre du Haut-Karabakh [2020], il est devenu très patriotique. Or, le nationalisme azéri implique depuis toujours un antagonisme avec l’Arménie. »

L’impact sur son pouvoir

Cette victoire majeure va vraisemblablement augmenter la cote d’Ilham Aliev dans son propre pays, si ce n’est assurer sa postérité. « En ce moment, sa légitimité et son appui populaire sont très élevés, note M. Samadov. Les gens s’identifient à lui. Je crois qu’après ça, et pour plusieurs années, il va s’en servir comme outil pour guérir les traumas du peuple azéri. »

« Il était populaire. Il l’est encore plus », résume tout simplement Inna Naroditskaya.

Un clan bien implanté

Ilham Aliev n’a pourtant pas besoin de soutien populaire. Son régime est bien implanté, fruit d’un autocratisme assumé. Fils d’un ancien agent du KGB qui a régné sans partage sur le pays entre 1969 et 2003 (Heydar Aliev), cet ancien universitaire – qui a longtemps traîné une réputation de flambeur et d’amateur de casinos – est régulièrement accusé de violation des droits de la personne. En 2009, il a amendé la Constitution afin de rendre illimité le nombre de mandats présidentiels. En 2016, il a étendu la durée du mandat présidentiel de 5 à 7 ans. En 2017, il a nommé première vice-présidente sa femme, Mehriban Alieva, une ophtalmologue issue d’une puissante famille azérie. Et il est probable que leur fils Heydar, 26 ans, lui succédera. Bref, le clan Aliev n’est pas près de disparaître.

Allégations de corruption…

Avec des milliards de dollars de manne pétrolière (l’Azerbaïdjan est un producteur historique), Ilham Aliev a su profiter d’une rapide croissance économique. Mais la fortune de la famille est une question difficile à aborder ouvertement en Azerbaïdjan. Des enquêtes ont trouvé la trace de sociétés offshore liées au clan. Les « Pandora Papers », publiés en 2021 par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), révèlent par exemple que des proches du président ont réalisé des transactions immobilières opaques au Royaume-Uni, dont l’achat pour 45 millions de dollars d’un immeuble de bureaux au nom de son fils. Ilham Aliev a toujours démenti les accusations de corruption et de violation des droits de la personne le visant.

Une image internationale

Comme son père avant lui, Ilham Aliev est largement courtisé par l’Europe, qui compte sur le pétrole et le gaz azéris pour réduire sa dépendance à la Russie. Ce qui expliquerait le silence relatif des Européens à la suite de l’invasion du Haut-Karabakh. Mais c’est sur le président turc Recep Tayyip Erdoğan, qui lui vend des armes et le soutient politiquement, qu’il a compté pour faire plier l’Arménie. Ces dernières années, il tente aussi d’améliorer son image à l’international, usant de ses pétrodollars pour organiser des Grands Prix de Formule 1, des matchs de soccer de l’Euro et le concours de chanson Eurovision.

Prochaine étape : le Nakhitchevan ?

Selon certains, la prochaine étape pour Aliev sera la réouverture du corridor de Zangezur. Cette route stratégique, qui passe par l’Arménie, est le seul lien terrestre entre l’Azerbaïdjan et le Nakhitchevan, une république autonome à majorité azérie, enclavée entre l’Arménie, la Turquie et l’Iran. « Un autre dossier à régler », observe Mme Naroditskaya. L’annexion n’est cependant pas pour demain, estime Bahruz Samadov. « À court terme, je ne m’attends pas à un nouveau conflit. Il y a déjà beaucoup de pression sur l’Azerbaïdjan. Il y aura peut-être des négociations. Mais à court terme, je serais surpris qu’il y ait escalade… »

Avec l’Agence France-Presse, OC Media, The Guardian, la BBC, Eurasianet, DW, Le Monde