La communauté congolaise de Montréal vit des moments angoissants et exige qu'Ottawa intervienne pour freiner la crise humaine qui sévit dans ce pays déchiré par des années de guerre.

Les combats font rage à des milliers de kilomètres de son appartement de l'est de la métropole, mais Pierrine Masikini est morte d'inquiétude par les temps qui courent. Elle suit anxieusement les derniers développements au Congo, et pour cause: sa mère et une bonne partie de sa famille habitent Goma, principal théâtre de la crise.

 

Inquiétée par les images qui défilaient à la télévision cette semaine, la femme de 36 ans, établie à Montréal depuis deux ans, a appelé sa mère pour connaître les dernières nouvelles.

«Elle m'a simplement dit «priez pour nous», relate Mme Masikini. J'ai demandé ce qui n'allait pas et elle a répondu: «Priez pour nous parce qu'on ne sait pas si on va terminer la journée.» Puis la ligne a coupé.»

Après de longues heures à se ronger les sangs, elle a finalement joint sa soeur, qui l'a rassurée. Aux dernières nouvelles, la famille se portait bien. Chacun dort sous son lit pour éviter d'être fauché par une balle perdue. Des convois militaires de l'ONU sillonnent les rues de Goma, «mais on ne sait pas qui contrôle la ville», précise-t-elle.

Il y a six ans, Pierrine Masikini a fui les violences qui déchirent son pays natal. La maison de sa famille avait été attaquée par un groupe armé. Les marques des balles sont toujours visibles sur les murs.

Les combats se sont calmés dans les dernières heures, mais elle est loin d'être rassurée car, une fois les affrontements terminés, les militaires s'en prennent souvent aux civils. «Chaque fois qu'il y a des troubles à Goma, après, il y a des enlèvements, des viols, des tueries. Je sais la peur qu'ils ressentent parce que je l'ai vécue.»

Ottawa doit agir

Mme Masikini et la communauté congolaise de Montréal demandent au gouvernement canadien de faire davantage pour freiner la spirale de violence qui embrase le Congo depuis 1996. Ce conflit, le plus meurtrier depuis la Deuxième Guerre mondiale, a fait plus de 5 millions de morts.

«Pourquoi la communauté internationale reste-t-elle silencieuse par rapport à la guerre, et pourquoi le gouvernement canadien n'intervient-il pas dans la guerre? dénonce Jean-Marie Mousenga, président de la Communauté congolaise du Montréal métropolitain. On ne dit pas un mot.»

Les Congolais de partout au Canada se sont entendus pour organiser une manifestation, samedi prochain, afin d'attirer l'attention d'Ottawa. M. Mousenga estime que les pays occidentaux pourraient aisément forcer les belligérants à déposer les armes. Surtout en regard des efforts qu'ils déploient en Afghanistan ou, dans le cas des États-Unis, en Irak.

«Ce n'est pas une guerre où il faut envoyer des troupes, soutient-il. C'est une guerre où, lorsqu'il y a une décision de la communauté internationale, la guerre s'arrête.»

Des groupes humanitaires, comme Développement et Paix, demandent au gouvernement fédéral de faire pression sur l'ONU afin de renforcer la mission de paix au Congo.

«Auparavant, le Canada était reconnu sur la scène internationale pour être un leader des missions de paix, explique le directeur de l'organisme, Serge Blais. Maintenant, on dit qu'il n'y a pas de disponibilité parce que les militaires canadiens sont en Afghanistan.»

On compte environ 50 000 Canadiens d'origine congolaise. Du nombre, quelque 15 000 sont établis à Montréal.