Un monomoteur à la coque en fibre de verre est amarré à quelques pas de la plage de sable fin. De robustes pêcheurs et des gamins excités se jettent à l'eau pour ramener les poissons à terre, entassés dans des paniers d'osiers transportés sur les épaules.

À chacune de leur sortie en mer dans les eaux de l'océan Indien, les pêcheurs de Mombasa, sur la côte sud-est du Kenya, ramènent dans leurs filets toujours plus de poissons, jusqu'à 200 kilos supplémentaires par jour.

«C'est la bonne saison», se réjouit Aziz Suleiman, propriétaire d'un petit dock de fortune, fait de bric et de broc: «et c'est aussi parce que les pirates font fuir les bateaux de pêche étrangers...»

En plein essor, la piraterie dans la Somalie voisine a fait de cette partie de l'océan Indien le centre mondial de la flibuste, et l'une des zones les plus dangereuses pour les grands navires marchands. Cargos et surtout bateaux de pêche industrielle évitent désormais soigneusement la région, contribuant indirectement au renouvellement des ressources halieutiques de ces eaux tropicales.

«On ne voit plus les chalutiers venus du monde entier que l'on avait l'habitude de croiser auparavant», explique Zedi Omar, pêcheur de 19 ans. «Ca fait un moment qu'ils sont partis à cause des pirates».

Têtes de requins, viscères et autres détritus organiques jonchent la plage dans une puanteur étouffante. Deux canots à moteur, dont le pont est protégé d'un soleil de plomb par une petite cahute d'aluminium, ont ramené ce jour-là près de 600 kilos de requins, marlins, et petites fritures de mer, pesés et immédiatement vendus à la criée à des commerçants locaux.

Devenues presque quotidiennes, ces pêches miraculeuses contribuent également à l'essor du tourisme local, avec la pêche sportive et la plongée sous-marine.

«Depuis près d'un an, les prises sont excellentes», sourit Habib Hakem, propriétaire de Luna Water Sports, une société de location de bateaux pour les nombreux touristes étrangers qui fréquentent les stations balnéaires du nord de Mombasa.

«Avant, quatre heures de pêche et on pouvait revenir bredouille. Nous sommes aujourd'hui en moyenne à six grosses prises par sortie en mer», pour une ou deux prises par le passé.

«Nous avons beaucoup de réservations, dont des touristes qui ne connaissent rien à la pêche sportive et veulent découvrir» un nouveau sport, poursuit M. Hakem, dont l'activité a explosé de 80% et qui attribue ce succès au «peu de chalutiers» qui fréquentent désormais ces eaux de l'océan Indien.

Le lien entre hausse de la piraterie et prospérité de la pêche artisanale locale n'est cependant pas si évident, conteste Mwaka Said Barabara, patron du département des pêches pour la côte sud-est.

«Il y a de nombreuses autres causes à la fluctuation des niveaux de production», assure-t-il. «Nos pêcheurs locaux ne vont pas en haute mer. La pêche dépend surtout de la saison», estime un autre responsable de la filière, sous couvert d'anonymat.

Les pêcheurs kényans de l'océan Indien ramènent chaque année dans leur filet entre 7 000 et 8 000 tonnes de poissons, précise M. Barabara.

La piraterie dans les eaux voisines de la Somalie s'étend désormais jusqu'aux Seychelles. Le phénomène atteint un record, selon le Bureau maritime international, avec 406 incidents liés aux pirates reportés en 2009.

Onze bâtiments et plus de 250 membres d'équipage sont actuellement détenus par les pirates somaliens qui ont réussi à obtenir en 2009 des rançons estimées au total à 60 millions de dollars.