Le Niger n'a plus de président, mais un nouveau chef: le commandant Salou Djibo, nouveau dirigeant du «Conseil suprême pour la restauration de la démocratie». Même si elle avait dénoncé les manoeuvres de l'ancien président Mamadou Tandja pour rester au pouvoir malgré la fin de son mandat, l'Association nigérienne pour la défense des droits de l'homme (ANDDH) déplore le renversement de Tandja par l'armée. Nous avons joint hier Khalid Ikhiri, président de l'ANDDH, à Niamey.

Q: Où étiez-vous lorsque les militaires sont entrés dans le palais présidentiel jeudi après-midi?

R: J'étais à l'université. On entendait des coups de feu parce que l'université est seulement de l'autre côté du fleuve où se trouve le palais présidentiel. Il y a même des obus qui sont tombés sur deux de nos facultés, sans causer de perte de vie. On ne pouvait pas sortir. Certains s'inquiétaient de leurs enfants qui étaient à l'école ou se demandaient comment ils allaient rentrer à la maison, mais sans plus. Ce qui était particulier, c'était que la télé et la radio nationale ont poursuivi leur programmation comme si de rien n'était. Ce n'est que plus tard que la musique militaire a été entendue à la radio. Dans les autres coups d'État, la radio et la télé ont été pris par l'armée tout de suite pour annoncer qu'elle avait pris le pouvoir. C'était calme. Aujourd'hui, c'est comme s'il n'y avait rien eu.

 

Q: Est-ce que les Nigériens ont été surpris par le coup d'État?

R: Non, ce n'était pas une très grande surprise. Chacun se demandait comment faire pour changer la situation. L'ANDDH a usé de tous les moyens légaux possibles pour faire des plaidoyers et a mené une campagne de sensibilisation à travers le monde entier pour dissuader le président Tandja de faire des changements constitutionnels. Même si des voix, au niveau national et international, ont dénoncé le comportement du président Tandja, il est resté sourd aux appels. Malheureusement, ce qui devait arriver arriva.

Q: Vous dites avoir usé de tous les moyens légaux possibles. Un coup d'État par les militaires peut-il être perçu comme un mal nécessaire?

R: En tant que structure de défense des droits de l'homme, nous pensons naturellement que tout changement anticonstitutionnel ne doit pas être applaudi. Par principe, nous condamnons tout coup d'État. Nous pensons que le dialogue et l'intelligence doivent amener à résoudre un problème d'ordre politique, sans l'intervention des armes. Mais malheureusement, en Afrique, certains n'écoutent que les armes.

Q: Êtes-vous inquiet pour la suite des choses?

R: Mon inquiétude est double, même triple. D'abord, notre pays, en dehors de la crise politique qu'il traverse, est malheureusement confronté à une famine. Les populations ont très peu de choses à manger d'ici la prochaine saison des pluies. Ensuite, quelle sera demain la démocratie au Niger? Les auteurs du coup d'État ont promis la restauration de la démocratie. Nous prenons acte de leurs déclarations et espérons qu'ils respecteront leurs engagements et que le Niger se retrouvera parmi les pays qui sont des exemples en démocratie, comme il l'était dans le passé.

Q: Le commandant Salou Djibo a été nommé nouveau dirigeant du «Conseil suprême pour la restauration de la démocratie». Est-il connu au Niger?

R: J'en ai entendu parler, mais je ne le connais pas. Je sais simplement qu'à deux reprises, l'ANDDH a encouragé le comportement de nos forces de défense et de sécurité, notamment au moment de la crise politique. Elles n'ont pas pris position lors des élections. Je ne sais pas ce que nous réservent les nouveaux membres du Conseil suprême. Ils n'ont pas annoncé de calendrier pour la tenue d'élections, et cela fait justement partie de nos préoccupations. Nous avons demandé une courte transition pour que le Niger retrouve rapidement sa place au sein des nations démocratiques et que tout soit fait pour faire face aux problèmes économiques que doit affronter le Niger.