Les Nigériens ont voté dimanche dans le calme pour le second tour de la présidentielle où le chef de l'État Mahammadou Issoufou est largement favori en l'absence du candidat de l'opposition, qui a appelé au boycott, et sur fond de menace djihadiste.

M. Issoufou, 64 ans, qui a raté de peu la victoire dès le premier tour (48,43%), affronte Hama Amadou, arrivé en deuxième position avec 17,79%. Mais le candidat de l'opposition, âgé de 66 ans, a été évacué mercredi vers Paris de la prison où il était incarcéré depuis novembre dans le cadre d'un trafic d'enfants présumé, un dossier jugé «politique» par l'opposition, mais de «droit commun» par le pouvoir.

La commission électorale, qui dispose de cinq jours maximum pour proclamer les résultats, devrait le faire mardi ou mercredi.

Un des enjeux du scrutin est l'ampleur de la participation, qui avait atteint 66,82% au premier tour, disputé les 21 et 22 février. La fréquentation dimanche dans la capitale, fief de l'opposition qui a annoncé qu'elle ne reconnaîtrait pas les résultats du vote, a été moins importante qu'au premier tour.

«Je suis restée chez moi. J'ai suivi le mot d'ordre de boycott. Le vote ne me concerne ni de près ni de loin», a affirmé Maimouna Hassane, enseignante qui avait voté pour un autre opposant, Seïni Oumarou, au premier tour.

«Il n'y a eu aucun problème, il n'y avait pas beaucoup de monde et les représentants de l'opposition ne sont pas venus», a expliqué à l'AFP Moustafa Abdelkarim, président du bureau de vote 79 dans une école du quartier de Dar es-Salam, dans l'est de Niamey.

Dans ce bureau, 51 personnes ont voté sur 439 inscrits, soit un taux de 11% à peine, avec 50 voix pour le président Issoufou (98%) et une seule pour Hama Amadou.

Dans un autre bureau, le taux de participation a atteint 47%. A la tombée de la nuit, les assesseurs ont allumé des petits feux dans la cour de l'école pour pouvoir faire fondre de la cire et cacheter les enveloppes de résultats.

Selon une source proche de la commission électorale, le taux de participation dans la capitale devrait avoisiner 25%.

«Nous sommes en démocratie»

«Niamey n'est pas le Niger», a toutefois affirmé le ministre de l'Intérieur, Hassoumi Massaoudou, précisant que la participation au niveau national s'annonçait «comparable ou légèrement inférieure au premier tour».

À Agadez (nord) et Tahoua (ouest, fief d'Issoufou) il y avait des queues pour voter, selon des témoins.

Le président Issoufou, qui brigue un deuxième quinquennat à la tête de ce pays ouest-africain de 18 millions d'habitants parmi les plus pauvres du monde, a regretté l'appel au boycott de l'opposition. «Mais nous sommes en démocratie et chacun est libre de prendre la position qu'il souhaite», a-t-il affirmé à l'AFP.

Sans opposition et alors que le chef de l'État a obtenu dans l'entre-deux tours le ralliement de plusieurs candidats, l'issue du vote ne fait guère de doute.

«Il faut éviter de vaines querelles. Le vainqueur, quel qu'il soit, doit penser à rassembler les Nigériens au-delà de son camp parce que des défis importants nous attendent. Je pense en particulier au défi sécuritaire», a dit M. Issoufou à la presse, appelant à «l'union sacrée» après les deux attaques islamistes de jeudi.

L'une, attribuée à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a coûté la vie à trois gendarmes dans l'ouest. L'autre, dans l'est, attribuée aux islamistes nigérians de Boko Haram, a tué un officier supérieur de l'armée.

Aucun incident sécuritaire n'a eu lieu dimanche, a précisé le ministre de l'Intérieur en soirée.

Le premier tour s'était déroulé de manière chaotique et avait dû être prolongé d'un jour en raison de problèmes logistiques.

Pendant la campagne, M. Issoufou a mis en avant son bilan, assurant avoir doté le pays d'infrastructures, lutté contre la pauvreté et rétabli la sécurité face à la menace islamiste.

Ancien Premier ministre, Hama Amadou, qui avait soutenu M. Issoufou au second tour en 2011, a rejoint l'opposition en 2013. Ses partisans dénoncent la mauvaise gouvernance du régime et son incapacité à endiguer la pauvreté, dans un pays où 76% de la population vit avec moins de deux dollars par jour.