(Addis Abeba) Des combats ont été signalés lundi au sud de Kobo, que de nombreux habitants ont fuie depuis que cette localité éthiopienne de la région de l’Amhara est tombée samedi aux mains des rebelles de la région du Tigré.

Rebelles et troupes gouvernementales s’accusent mutuellement d’être responsables de la reprise des hostilités, le 24 août, dans le nord de l’Éthiopie, autour de la pointe sud-est du Tigré, qui a mis fin à cinq mois de trêve et douché les espoirs de négociations de paix entrevues depuis juin, mais jamais concrétisées.

« Il y a d’intenses combats non loin. J’ai entendu le son d’armes lourdes depuis ce matin » jusque dans l’après-midi, a rapporté lundi à l’AFP, sous le couvert de l’anonymat, un habitant de Kobo réfugié à Woldiya, à une cinquantaine de kilomètres plus au sud.

L’armée s’est retirée samedi de Kobo, située à une quinzaine de kilomètres au sud de la frontière du Tigré, pour « éviter des pertes massives » chez les civils, alors que la ville était attaquée « de plusieurs directions » par les rebelles tigréens, selon le gouvernement fédéral du premier ministre Abiy Ahmed.

Lundi, désormais, « beaucoup de déplacés arrivent depuis les zones de Gobye et Robit », à mi-chemin entre Kobo et Woldiya et « l’atmosphère à Woldiya est emplie d’incertitude », a ajouté ce déplacé.

« Intenses combats »

Une source diplomatique a de son côté fait état d’affrontements dans une zone similaire située entre les deux localités, tandis qu’une source humanitaire a indiqué que « d’intenses combats » se déroulaient dans les montagnes de Zobel, situées au sud-est de Kobo.

Les journalistes n’ont pas accès au nord de l’Éthiopie, rendant impossible toute vérification indépendante. Le réseau mobile et internet y est également aléatoire et la situation sur le terrain est difficile à apprécier.

Les autorités municipales de Woldiya, à 500 km au nord de la capitale Addis Abeba, ont imposé un couvre-feu interdisant tout déplacement entre 19 h et 6 h locales et la circulation des véhicules dès 18 h.

A Woldiya, le déplacé de Kobo a aussi vu passer des ambulances transportant des blessés, militaires mais aussi membres des forces régionales Amhara et des milices amhara Fano qui épaulent toutes deux l’armée fédérale face aux rebelles tigréens depuis le début du conflit il y a presque deux ans.

Il estime que plusieurs milliers de personnes fuyant les combats ont trouvé refuge à Woldiya. Certains sont hébergés à l’université, mais « on peut voir de nombreux déplacés dormir » à travers la ville d’environ 100 000 habitants.

Tigist, mère de trois enfants âgée de 30 ans a fui Kobo dès vendredi et n’est arrivée que dimanche à Woldiya. Elle a dû traverser une rivière dont le pont a été détruit, aidée par des habitants utilisant des petits radeaux pour transporter femmes et enfants, a-t-elle raconté à l’AFP lundi.

« Terrifiés »

« J’ai beaucoup de chance, j’ai vu des gens se noyer en tentant de traverser la rivière », raconte-t-elle. « A Woldiya, les déplacés ne reçoivent aucune aide » des autorités, alors « les gens s’entraident pour la nourriture, l’eau ou l’abri ».

Selon elle, tout le monde est « terrifié » et pense à partir vers Dessie, ville d’importance à 100 km au sud. « Je ne sais si je reverrai un jour Kobo », dit-elle.

Dès la reprise des combats, de nombreux pays et organisations internationales, ONU, États-Unis et Union européenne en tête, avaient appelé à une cessation des hostilités et à une résolution pacifique du conflit.

« Les droits humains […] et la protection des civils doivent être la priorité de toutes les parties », a à son tour réagi lundi la commission mise sur pied par l’ONU pour enquêter sur les exactions commises par chaque camp depuis le début en novembre 2020 de la guerre dans le nord de l’Éthiopie.

La Commission éthiopienne des droits de l’Homme (EHRC), institution publique, a elle aussi rappelé lundi à « toutes les parties leurs obligations de respecter la vie, la sécurité, l’intégrité morale et physique ainsi que la dignité des civils touchés par le conflit ».

Celui-ci a éclaté quand Abiy Ahmed a envoyé l’armée fédérale au Tigré pour en déloger les autorités de la région, entrées en dissidence depuis des mois, les accusant d’avoir attaqué des bases militaires sur place.

Après avoir initialement battu en retraite, les rebelles ont reconquis lors d’une contre-offensive mi-2021 l’essentiel du Tigré.

Le bilan de cette guerre meurtrière est largement inconnu. Mais elle a déplacé plus de deux millions de personnes et plongé des centaines de milliers d’Ethiopiens dans des conditions proches de la famine, selon l’ONU.