(Bamako) Une opération de soldats maliens accompagnés de « personnel militaire étranger » a fait au moins 50 morts civils en avril, indique l’ONU dans une nouvelle mise en cause des agissements des forces nationales désormais alliées aux Russes.

Il s’agit d’une des plus graves incriminations du comportement des forces de sécurité maliennes au nom du combat contre les djihadistes.

La Minusma, conformément au mandat conféré par le Conseil de sécurité, a publié mercredi sa note trimestrielle sur les violations des droits humains entre avril et juin, et se penche longuement sur des évènements peu documentés survenus le 19 avril à Hombori (centre) et sur leurs prolongements, qui touchent aux relations dégradées entre le Mali et l’ancien allié français.

Ce jour-là, les soldats maliens, accompagnés « de personnel militaire étranger, ont conduit une opération militaire de ratissage dans la localité au cours de laquelle au moins 50 civils (parmi lesquels une femme et un enfant) ont été tués et plus de 500 autres arrêtés », dit la Minusma.

L’opération faisait suite à l’explosion d’un engin explosif improvisé au passage d’un convoi militaire. La Minusma ne fournit aucune précision sur les combattants étrangers en question.

Différentes sources avaient à l’époque dit à l’AFP qu’un Russe déployé en opération avec les soldats maliens avait été tué dans l’explosion.

Plusieurs pays occidentaux accusent la junte au pouvoir à Bamako depuis 2020 de s’être adjoint les services de la société de sécurité russe Wagner aux agissements controversés. La junte dément et invoque la présence d’instructeurs de l’armée russe et une coopération militaire ancienne d’État à État.

Les colonels au pouvoir se sont totalement détournés depuis 2021 des anciens compagnons d’armes français, qui viennent d’achever leur retrait militaire du Mali après neuf ans d’engagement.

Le Mali, pauvre et enclavé, est plongé dans la tourmente depuis le déclenchement d’insurrections indépendantiste et djihadiste en 2012. La propagation djihadiste a atteint le Burkina et le Niger voisins et menace de s’étendre encore plus au sud.

L’armée malienne avait le 22 avril publiquement indiqué avoir mené un « ratissage d’envergure » dans la zone de Hombori après avoir été attaquée le 19. Elle avait indiqué avoir tué 18 « assaillants » et interpellé 611 personnes.

La grande majorité a été libérée. Mais parmi les quelques dizaines d’hommes retenus, deux sont morts sous la torture, selon la Minusma. Le 24 avril, un militaire « aurait tué sommairement » 20 autres prisonniers au camp de l’armée malienne à Hombori, ajoute-t-elle.

« Opposition ferme »

Les évènements de Hombori se prolongent dans une sombre affaire de cadavres illustrant l’immense défiance existant désormais entre les autorités maliennes et françaises. Le document de la Minusma livre une version favorable à la France.

Dans son désengagement progressif, la France a quitté et rendu aux autorités maliennes le 19 avril la base de Gossi, à plusieurs dizaines de kilomètres au nord-est de Hombori. Le 21 avril a circulé une vidéo prise à l’aide d’un drone et montrant selon l’armée française des mercenaires russes en train d’enterrer des corps près de la base de Gossi.

Le but aurait été d’accuser les Français de laisser un charnier derrière eux.

Les autorités maliennes ont accusé en retour les Français d’avoir fabriqué ces images montées « de toutes pièces afin d’accuser (les soldats maliens) d’être les auteurs de tueries de civils ».

La Minusma dit avoir ouvert son enquête. Selon elle, les dépouilles ensevelies à Gossi ont été transportées sur place le 20 avril, soit le lendemain de la remise du camp aux Maliens, et « provenaient de Hombori ».

Aucune réaction n’a été obtenue des autorités maliennes.  

Ce rapport vient s’ajouter à d’autres publiés par l’ONU ou par des experts indépendants missionnés par l’ONU faisant état d’exactions de l’armée malienne lors d’opérations menées avec ses supplétifs « étrangers ».

La localité de Moura, dans le centre également, a été le théâtre fin mars de ce que Human Rights Watch décrit comme le massacre de 300 civils par des soldats maliens associés à des combattants étrangers, peut-être russes. L’armée malienne dément et revendique l’élimination de plus de 200 djihadistes.

Au total, les opérations des forces maliennes ont causé la mort de 96 civils au 2e trimestre, sur un total de 317, dont 200 imputables aux groupes djihadistes, dit la Minusma. La part de responsabilité de l’armée est en « baisse significative » par rapport au trimestre précédent, ajoute-t-elle.

La junte assure ouvrir systématiquement des enquêtes s’il y a lieu. Mais les résultats de pratiquement aucune de ces enquêtes n’ont été rendus publics.  

Lors du renouvellement du mandat de la Minusma en juin, le Mali avait exprimé une « opposition ferme » à la liberté de mouvement des Casques bleus pour des investigations sur les droits humains.