(Genève) L’ONU a une nouvelle fois tiré vendredi la sonnette d’alarme sur la situation en Somalie, où seule la distribution d’aide humanitaire permet pour l’instant au pays d’échapper à une famine d’ampleur, et appelle à renforcer urgemment l’aide internationale.

Les humanitaires craignent le pire. La situation risque d’être pire que lors de la dernière famine de 2011 qui avait fait 260 000 morts, dont plus de la moitié d’enfants de moins de cinq ans.

Sans un accroissement rapide de l’assistance humanitaire, « la famine est attendue avant la fin de l’année », a déclaré aux journalistes à Genève la numéro deux du bureau national du Programme alimentaire mondial (PAM), Laura Turner, depuis Mogadiscio.

Après quatre saisons de pluies défaillantes depuis fin 2020 et avec une cinquième s’annonçant similaire, la Somalie s’enfonce inexorablement dans la famine.  

À travers le pays, 7,8 millions de personnes, soit près de la moitié de la population, sont affectées par la sécheresse, dont 213 000 sont en grand danger de famine, selon l’ONU.

Sans une action urgente, l’état de famine sera déclaré dans les régions méridionales de Baidoa et Burhakaba entre octobre et décembre, a alerté début septembre l’ONU.

Ces derniers mois, le PAM a étendu ses activités en Somalie, pour venir en aide à un nombre record de personnes. Cette crise représente désormais la plus grande opération de l’organisation dans le monde.  

En septembre, le PAM a distribué de la nourriture et de l’argent à près de 4,2 millions de personnes dans le pays.

« Cependant, la Somalie n’est absolument pas encore hors de danger. Nous restons extrêmement préoccupés par la situation désastreuse qui règne dans le pays et nous sommes engagés dans une course contre la montre », a indiqué Mme Turner.

Elle a expliqué que trois seuils devaient être atteints pour que la famine soit déclarée : « Le premier est le manque extrême de nourriture. Le second est la malnutrition aiguë. Et le troisième est la mortalité ».

« Malheureusement, les taux de malnutrition montent en flèche. Les taux de mortalité sont également en hausse. En fait, seule la distribution d’aide alimentaire permet d’éviter la famine », a-t-elle expliqué.

Des enfants meurent « presque toutes les heures »

Dans une note envoyée aux médias, le PAM spécifie que la famine est déclarée dans une zone où au moins 20 % des ménages sont confrontés à des pénuries alimentaires extrêmes, au moins 30 % des enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition aiguë et le taux de mortalité quotidien dépasse 2 adultes ou 4 enfants pour 10 000.

PHOTO FEISAL OMAR, REUTERS

Une enfant reçoit des soins dans une clinique de Qoryoley.

Ce sont « 1,8 million d’enfants — la moitié des enfants du pays — [qui] souffrent de malnutrition aiguë sévère. La moitié de ces enfants peuvent mourir si nous ne leur apportons pas un traitement rapide », a déclaré vendredi aux journalistes à Genève le représentant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en Somalie, Dr Mamunur Rahman Malik, depuis Mogadiscio.

L’OMS a également besoin de fonds supplémentaires pour atteindre tous ceux qui en ont besoin et craint de grandes épidémies de choléra ou de rougeole.

« Nous l’avons vu, les morts et les maladies prospèrent lorsque la faim et les crises alimentaires se prolongent », a averti le responsable de l’OMS. « Nous ne devrions pas avoir à attendre une déclaration de famine pour empêcher les gens de mourir ».

Il a raconté avoir visité des centres de santé dans le pays où il a vu comment le personnel de santé tente de faire face à l’afflux croissant d’enfants souffrant de choléra, de maladies diarrhéiques, de rougeole et de pneumonie.

Dans un centre, une centaine d’enfants atteints de maladies graves devaient être pris en charge par deux agents de santé seulement, dans des conditions de travail très difficiles, a-t-il dit.

« J’ai vu des enfants mourir presque toutes les heures dans certains des centres de santé que j’ai visités-beaucoup d’entre eux avaient parcouru des kilomètres et des kilomètres à la recherche de nourriture et d’eau mais leurs corps affaiblis n’ont tout simplement pas pu effectuer le dernier kilomètre », a-t-il dit.