Comment les résultats se dessinent-ils après le vote de samedi ?
Si 18 candidats aspiraient à la présidence du Nigeria, la course semble se jouer entre 3 hommes : Bola Tinubu, Atiku Abubakar et Peter Obi.
Les résultats restaient très partiels lundi. Un second tour pourrait avoir lieu à la mi-mars si aucun candidat ne parvient à remporter la majorité des voix et au moins 25 % dans les deux tiers des 36 États et du territoire de la capitale, Abuja.
Bola Tinubu, le candidat de 70 ans du parti actuellement au pouvoir, a remporté au moins trois États. Il espère succéder à Muhammadu Buhari, en poste depuis huit ans.
L’ancien vice-président Atiku Abubakar, 76 ans, brigue quant à lui le poste à la présidence pour la sixième fois.
Un candidat pourrait-il créer la surprise ?
À l’extérieur des grands partis que représentent M. Tinubu et M. Abubakar, Peter Obi, 61 ans, a créé la surprise en remportant l’État de Lagos, fief du parti de M. Tinubu.
Il représente le changement aux yeux de plusieurs Nigérians.
« Il est l’élément perturbateur, celui qui attire les jeunes, comme on le voit dans plusieurs pays », commente au téléphone Rita Abrahamsen, professeure à l’Université d’Ottawa – précisant qu’il séduit particulièrement la frange urbaine et plutôt instruite de la nouvelle génération.
Même s’il est trop tôt pour entrevoir un vainqueur, Dele Babalola, de l’Université Canterbury Christ Church, au Royaume-Uni, ne croit pas en la victoire du chrétien Peter Obi.
« Plusieurs facteurs déterminent comment une élection est gagnée ou perdue au Nigeria, précise le chargé de cours originaire du pays. L’un d’eux est l’identité ethnique. Un autre est l’identité religieuse. »
On recense 250 groupes ethniques dans ce pays de 216 millions d’habitants, où le Nord est majoritairement musulman et le Sud, chrétien.
Pourquoi parle-t-on d’un scrutin important ?
Le poids du Nigeria est à la fois régional et continental, économique et sécuritaire. C’est un scrutin important pour les Nigérians, mais aussi pour le continent, note M. Babalola. « Le Nigeria est vu comme un exemple de démocratie, explique-t-il. Tous les yeux sont sur le Nigeria parce que personne ne veut voir la démocratie renversée au Nigeria. »
Le pays a vécu la dictature militaire et est revenu à la démocratie depuis 1999. « Personne ne voudrait une répétition de cette période, souligne M. Babalola. Ça pourrait mener à un conflit violent, et s’il y a un conflit violent dans un pays de plus de 200 millions, ça veut dire de graves problèmes, par exemple, en ce qui concerne une crise des réfugiés. »
Le Nigeria est aussi la première économie du continent, même si elle bat de l’aile depuis quelques années. « C’est un pays avec un potentiel énorme, insiste Mme Abrahamsen. Le Nigeria est le moteur de Nollywood et de l’industrie cinématographique sur le continent. Il a beaucoup de potentiel, mais en même temps, il a été mal gouverné ; la sécurité a décliné et la prospérité économique a chuté. Donc, il y a un grand désir pour que les choses changent. »
Quels ont été les défis avec le vote ?
Pour la première fois, le Nigeria a utilisé un processus électoral électronique, mais le téléchargement des résultats a posé problème. Des accusations de fraudes et de tentatives de compromettre les résultats ont émergé. Des observateurs de l’Union européenne ont relevé le « manque de transparence » de la Commission électorale nationale indépendante, responsable des élections, et des défaillances dans l’organisation du scrutin, qui s’est poursuivi jusqu’en soirée samedi en raison de problèmes techniques.
Plus de 87 millions de personnes étaient appelées à voter. Selon l’organisme nigérian d’analyses de données SBM Intelligence, des évènements violents liés au scrutin ont éclaté dans 13 États.
« Dans certaines parties du pays, comme dans le Nord, nous savons qu’il y a déjà des problèmes dans certaines régions et les élections apportent une occasion pour qu’ils s’intensifient ou trouvent une nouvelle façon de s’articuler », estime Mme Abrahamsen.
Quels sont les principaux enjeux auxquels le nouveau président fera face ?
Les défis, dans le pays en voie de grimper au troisième rang des pays les plus peuplés du monde en 2050, sont nombreux. « Peu importe qui émerge de la course, il aura beaucoup à faire, particulièrement pour ce qui est de l’unité du pays, croit M. Babalola. Parce que le pays, en ce moment, est profondément divisé selon des lignes ethniques, selon des lignes religieuses, selon des lignes régionales. Donc le prochain président devra travailler très fort pour unir le pays. »
Le pays est également aux prises avec des problèmes de sécurité liés notamment au terrorisme islamiste et au banditisme.
L’économie, l’une des questions décisives, est aussi en tête des préoccupations des Nigérians. « Sous la dernière présidence, depuis 2015, les Nigérians se sont appauvris, les standards de vie ont diminué », dit Mme Abrahamsen.
Avec l’Agence France-Presse et l’Associated Press