(Freetown) Le dépouillement a commencé samedi en Sierra Leone après un scrutin présidentiel calme malgré des retards, dans un pays en plein marasme économique où le sortant Julius Maada Bio brigue un second mandat face à son principal concurrent Samura Kamara.

Les bureaux de vote, ouverts à partir de 7 h (locales et GMT), ont progressivement fermé dès 17 h à Freetown, selon des journalistes de l’AFP. Environ 3,4 millions de personnes étaient appelées à choisir entre 13 candidats, dont le président Bio.

Les premiers résultats devraient être connus dans les prochaines heures.

La commission électorale a indiqué sur Twitter que le vote s’est fait de « manière pacifique » mais a été marqué par « des problèmes logistiques » dus à l’arrivée « tardive » du matériel électoral dans des zones où le vote a été prolongé.

Le secrétaire général du parti de l’opposant Kamara, Lansana Dumbuya, s’est plaint auprès de l’AFP d’un vote ayant commencé « tard, très tard » dans des fiefs de sa formation contrairement aux zones sous contrôle du pouvoir.

Jour de choix

M. Kamara a lui-même dénoncé « les centres de vote congestionnés », dans une déclaration à la presse, après son vote dans la capitale.

PHOTO COOPER INVEEN, REUTERS

Des partisans du leader de l’opposition sierra-léonaise et candidat à la présidence pour le parti All People’s Congress (APC), le Dr Samura Kamara, essuient les gouttes de pluie sur son affiche de campagne à Freetown, en Sierra Leone.

« Aujourd’hui est un jour de choix, choix de votre représentant au Parlement, de votre conseiller municipal et aussi de votre président. Sortez voter et votez sans problème », avait déclaré M. Bio, après avoir mis son bulletin dans l’urne à Freetown.

Les Sierra-Léonais élisaient aussi samedi leur Parlement et les conseils locaux.

Cette élection est déterminante pour « le futur de la Sierra Leone », a affirmé M. Kamara.

Elle est la revanche de 2018 entre M. Bio, ancien militaire à la retraite de 59 ans, et M. Kamura, technocrate de 72 ans et chef du Congrès de tout le peuple (APC). M. Bio, candidat du Parti du peuple de la Sierra Leone (SLPP), l’avait alors emporté au second tour avec 51,8 % des voix.

Depuis, M. Bio a eu à gouverner l’un des pays les plus pauvres de la planète, durement touché par la COVID-19 puis la guerre en Ukraine.  

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Le président sortant de la Sierra Leone, Julius Maada Bio, vote à Freetown le 24 juin 2023 lors du scrutin présidentiel.

L’ancienne colonie britannique peinait déjà à se remettre d’une guerre civile sanglante (1991-2002) et de l’épidémie d’Ebola (2014-2016).  

L’inflation et l’exaspération à l’encontre du gouvernement ont provoqué en août 2022 des émeutes qui ont causé la mort de 27 civils et six policiers.

Vie chère

M. Bio s’est fait le champion de l’éducation et des droits des femmes. Il a dit à l’AFP privilégier l’agriculture et réduire la dépendance de son pays aux importations alimentaires.

M. Kamara, ministre des Finances puis des Affaires étrangères avant l’avènement de M. Bio en 2018, a indiqué à l’AFP vouloir restaurer la confiance dans les institutions économiques nationales et attirer les investisseurs étrangers.

Un candidat doit recueillir 55 % des votes valables pour être élu au premier tour.

La cherté de la vie est la préoccupation commune à une très grande majorité de Sierra-Léonais. Les prix de produits de base comme le riz sont montés en flèche. L’inflation était en mars de 41,5 % sur un an.

« Les gens ont beaucoup de mal ne serait-ce qu’à se payer trois repas par jour », dit un jeune homme de 19 ans du bidonville de Cockle Bay, à Freetown, sous le couvert de l’anonymat.

« En plus, le gouvernement viole nos droits fondamentaux, à commencer par la liberté d’expression », dit-il.

Après des décennies de troubles, de coups d’État et de régimes autoritaires, la Sierra Leone élit son président depuis la fin des années 1990.

M. Bio lui-même a été membre d’un groupe d’officiers qui avait pris le pouvoir par la force en 1992, et leader en 1996 d’un nouveau putsch avant d’organiser des élections libres, puis de partir pour les États-Unis.

Risque de violence

Les défenseurs des droits de la personne dénoncent la persistance de graves abus, y compris de la part du gouvernement ou au nom du gouvernement. L’ouverture en février d’un procès pour corruption contre Samura Kamara, juste après sa désignation comme candidat, a soulevé des questions.

Les analystes estiment cependant que les électeurs feront le calcul que l’argent et le travail iront aux régions dont les représentants seront associés au vainqueur de la présidentielle.

Le risque de violence était l’une des inconnues majeures du scrutin.