(Freetown) Le président sortant Julius Maada Bio est en tête de l’élection présidentielle en Sierra Leone avec 55,86 % des voix après 60 % du dépouillement, selon les chiffres partiels fournis lundi par la commission électorale et contestés par l’opposition.

Si les tendances se poursuivent, M. Bio serait réélu pour un second mandat puisqu’un candidat est élu dès le premier tour s’il recueille plus de 55 % des suffrages.

Avec 1 067 666 voix, M. Bio devance son principal adversaire Samura Kamara, qui a reçu 793 751 voix, soit 41,53 % des suffrages, selon les chiffres donnés par Mohamed Kenewui Konneh, le président de la commission électorale.

Ces premiers résultats officiels sont contestés par l’opposition qui dénonce dans un communiqué le manque d’inclusivité, de transparence et de responsabilité de la commission électorale. Elle soulève aussi l’absence d’informations sur l’origine des scores annoncés.

« Nous rejetons totalement l’annonce du chef de la commission électorale avec ces chiffres falsifiés », a dit le Congrès de tout le peuple (APC), parti de M. Kamara.

Manque de transparence

Dans une conférence de presse lundi soir, les observateurs de l’Union européenne ont estimé que le manque de transparence et de communication de l’autorité électorale avaient engendré de la méfiance dans le processus électoral.  

Ils ont souligné des incidents violents signalés dans six départements et dit avoir été témoins directement de violences dans sept bureaux pendant le vote et trois pendant la clôture et le dépouillement.

Ils ont enfin dénoncé les tirs à balle réelle des forces de sécurité qui ont fait un mort dimanche soir au siège de l’opposition à Freetown.

Les résultats définitifs seront annoncés dans les 48 heures, selon l’autorité électorale.

Quelque 3,4 millions de personnes étaient appelées samedi à choisir entre 13 candidats pour la présidentielle, un scrutin aux allures de revanche de 2018 entre M. Bio, ancien militaire à la retraite de 59 ans qui brigue un second mandat, et M. Kamura, technocrate de 72 ans.

En 2018, M. Bio, candidat du Parti du peuple de la Sierra Leone (SLPP), l’avait emporté au second tour avec 51,8 % des voix.

M. Bio s’est fait le champion de l’éducation et des droits des femmes. Il a dit vouloir privilégier l’agriculture et réduire la dépendance de son pays aux importations alimentaires.

Dans une adresse à la nation après les premiers résultats, le président sortant a appelé les Sierra-Léonais à rester calme et à respecter la loi.

M. Kamara, ministre des Finances puis des Affaires étrangères avant l’avènement de M. Bio en 2018, a indiqué vouloir restaurer la confiance dans les institutions économiques nationales et attirer les investisseurs étrangers.  

Femme tuée

Les forces de sécurité ont violemment dispersé dimanche soir des opposants à Freetown, au siège du parti APC, alors que l’élection s’était déroulée globalement dans le calme. Un calme précaire était revenu lundi.

Une femme a été tuée dans ces troubles, a dit un porte-parole de l’APC. Cette femme, infirmière au sein du dispensaire médical au siège du parti, « était au rez-de-chaussée dans l’unité médicale », a-t-il précisé.

Son fils de 25 ans, Ibrahim Conteh, a reconnu le corps de sa mère à la morgue. « J’ai besoin de justice. Je veux juste savoir » qui a tué ma mère, a-t-il dit, en larmes.

La police n’a pas confirmé le décès et dit avoir lancé des bombes lacrymogènes « pour disperser la foule qui perturbait les gens sur la voie » publique.

Abu Bakarr Kargbo, 42 ans, membre d’un parti d’opposition basé au Royaume-Uni, a rapporté lundi que la veille, présent au siège du parti à Freetown, il parlait tranquillement lorsque la police a fait usage de gaz lacrymogènes.

« Et puis après un moment, nous avons réalisé que même des balles réelles étaient tirées », explique-t-il. « C’était terrifiant, comme un film d’horreur. Vous savez, c’était comme la fin du monde ».

Des journalistes de l’AFP ont vu du sang à l’intérieur du siège de l’APC lundi matin et des impacts de balles.

Hannah, une secrétaire du parti qui n’a pas souhaité donner son nom de famille, est revenue tôt lundi matin pour récupérer son sac et ses effets personnels qu’elle avait laissés la nuit précédente dans la précipitation.

« Les gens dansaient et faisaient la fête dehors. Ils étaient heureux. Tout d’un coup, j’ai entendu des tirs et des gaz lacrymogènes », a-t-elle raconté, la voix rauque d’avoir crié la nuit précédente. « C’était vraiment traumatisant… Je pleurais ».