(Paris) Un ancien gendarme rwandais, Philippe Hategekimana, 66 ans, naturalisé français sous le nom de Philippe Manier, a été reconnu coupable mercredi de génocide et crime contre l’humanité et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité par la cour d’assises de Paris.

L’ancien adjudant-chef est le cinquième accusé renvoyé aux assises en France pour des crimes commis au cours du génocide au Rwanda qui a fait plus de 800 000 morts selon l’ONU, essentiellement des Tutsis exterminés entre avril et juillet 1994.

Il était jugé à Paris au titre de la « compétence universelle » exercée, sous certaines conditions, par la France pour juger les crimes les plus graves commis hors de son sol.

La cour a suivi à la lettre les réquisitions du parquet et reconnu coupable M. Manier de « quasiment tous les chefs d’accusation » retenus contre lui.

L’ancien adjudant-chef de la gendarmerie de Nyanza (sud du Rwanda) est resté impassible à l’annonce du verdict tandis que, hors de la salle d’audience, des Rwandais, parties civiles au procès, laissaient éclater leur joie en chantant et dansant.

Naturalisé français depuis 2005, M. Manier, qui nie toute implication dans le génocide, était poursuivi pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation des crimes de génocide et autres crimes contre l’humanité, génocide et crime contre l’humanité.

Surnommé « Biguma » à l’époque des faits, il était accusé d’avoir participé ou encouragé le meurtre de dizaines de Tutsi dans la préfecture de Butare (sud du Rwanda), dont le bourgmestre de Ntyazo qui résistait à l’exécution du génocide dans sa commune.

« Agent zélé »

Pour l’accusation, il avait notamment ordonné et supervisé l’érection de plusieurs « barrières », des barrages routiers, « destinés à contrôler et à assassiner les civils tutsis ».

L’accusation reprochait également à M. Manier d’avoir participé, en donnant des ordres, voire en étant directement impliqué sur le terrain, à trois massacres.

Il s’agit du massacre de la colline de Nyabubare, où 300 personnes ont été tuées le 23 avril 1994, celui, quatre jours plus tard, de la colline de Nyamure où s’étaient réfugiés des milliers de Tutsis, et celui de l’Institut des sciences agronomes du Rwanda, où des dizaines de milliers de victimes ont été recensées.

Pour ce dernier crime, la cour n’a reconnu que la complicité de M. Manier, mais pas sa culpabilité en tant qu’auteur du massacre.

Pour l’accusation, Philippe Manier est « un maillon fondamental de la mise en œuvre du génocide » au Rwanda.

Durant l’audience, l’accusé a choisi le silence.

Le président de la cour d’assises, Jean-Marc Lavergne, a déploré son « absence de toute manifestation sincère de remords ». À l’énoncé du verdict, il a dénoncé « un agent zélé » du génocide, « enfermé dans le mensonge », « incapable d’assumer sa responsabilité face à l’énormité des crimes commis ».

« Je compatis sincèrement aux souffrances endurées par les victimes. Le génocide à l’encontre des Tutsis est une réalité. Et j’en ai été le témoin. Mais je n’ai rien à me reprocher », avait dit à l’audience le prévenu à l’occasion d’une de ses rares interventions.

Sa défense, qui avait plaidé l’acquittement, souhaitait que le doute profite à l’accusé en estimant que l’accusation était « bâtie sur du sable ».

La défense a dix jours pour faire appel du jugement.

Philippe Manier est le « bouc émissaire » d’un jeu politique entre Paris et Kigali, ont soutenu ses conseils durant le procès. Ils ont mis en cause les témoignages à charge, les plus accablants pour l’accusé, de prisonniers interrogés en visioconférence depuis leur prison à Kigali.