(Johannesburg) La vue sur Johannesburg est à couper le souffle depuis cet appartement du 54e étage mais le Ponte, gratte-ciel cylindrique qui compte nombre de locataires, reste le symbole d’un centre-ville délabré.

Ngwenya Polite, 33 ans, observe la métropole du pays le plus inégalitaire au monde scintiller au soleil depuis sa fenêtre quelques étages plus bas, sa fille de bientôt deux ans dans les bras.

« Les gens du quartier ne se rendent pas compte de la chance qu’on a », confie-t-il à l’AFP. « Ici on est en sécurité, c’est propre et les loyers sont raisonnables ».  

La tour en béton gris de style brut a été achevée en 1975. Haut de 173 mètres, le Ponte est alors le plus grand immeuble résidentiel d’Afrique. Initialement une adresse recherchée, pour son allure et son emplacement, il subit l’appauvrissement d’un centre déserté par des milieux d’affaires, en raison d’abord des sanctions contre l’apartheid.  

Le bâtiment devient ensuite le repère de gangs violents dans les années 1980 et 1990, quartier général du crime, de la prostitution et du trafic de drogue.  

Il s’est refait une beauté il y a une quinzaine d’années, en amont de la Coupe du monde de football de 2010, pour mettre fin à sa réputation sulfureuse. Les squatteurs ont été mis dehors. Aujourd’hui, des familles de petite classe moyenne y sont installées, pour un loyer entre 250 et 585 dollars canadiens par mois selon les superficies.

Dans un quartier qui reste l’un des plus mal famés de la ville, la tour fascine. Et continue à faire peur : « ça va prendre encore beaucoup de temps » pour changer ces préjugés, souligne Ngwenya Polite, professeur de musique dans une école.

À l’intérieur, le bâtiment est creux, offrant une perspective vertigineuse côté cour et plein de lumière aux appartements.  Mais les fenêtres vers cet atrium ont été scellées : à l’époque de la grande déglingue des années 80 et 90, et en absence de locaux poubelle, les gens jetaient leurs détritus par la fenêtre.

Aujourd’hui l’entrée de Ponte, au bout d’une rampe d’accès ouvrant sur un immense stationnement souterrain vide sur plusieurs étages, sauf quelques carcasses désossées, est gardée nuit et jour par une cahute de sécurité et des tourniquets. Il faut montrer patte blanche.

Le soir, c’est un endroit où les chauffeurs Uber n’aiment pas traîner. Les rues alentour, mal éclairées et jonchées de détritus, ne sont pas engageantes. « Allez on se dépêche ! », lance l’un d’entre eux à un groupe qui tarde à prendre position dans sa Toyota blanche.  

L’association Dlala Nje (Amusons-nous ! en langue zouloue) veut changer ces perceptions, mettre en valeur le lieu et ses habitants. Depuis une dizaine d’années, elle propose des balades à pied dans le quartier mais aussi dans l’univers si particulier de la tour Ponte.