(Niamey) Le président désigné du Niger Mohamed Bazoum a prédit des « conséquences dévastatrices » dans la région si le coup d’État réussit dans son pays et a appelé la communauté internationale à l’aide, les putschistes promettant pour leur part une « riposte immédiate » à « toute agression ».

CE QU’IL FAUT SAVOIR

  • Joe Biden a appelé à la libération immédiate du président Bazoum et sa famille, et à la préservation de la démocratie conquise de haute lutte au Niger ;
  • L’opération d’évacuation du Niger de ressortissants français et étrangers a pris fin jeudi, ont annoncé le ministre français des Armées et le ministère français des Affaires étrangères ;
  • Des centaines de partisans des militaires qui ont pris le pouvoir au Niger en renversant le président Mohamed Bazoum ont commencé à se rassembler jeudi à Niamey pour les soutenir ;
  • Plusieurs manifestations sont prévues jeudi pour célébrer le 63e anniversaire de l’indépendance du Niger, poussant la France à demander de garantir la sécurité des ambassades étrangères ;
  • Le Royaume-Uni réduit temporairement le nombre de ses employés dans son ambassade à Niamey en raison de la situation sécuritaire au Niger ;
  • La France a demandé aux forces de l’ordre nigériennes d’assurer que la sécurité des emprises diplomatiques étrangères lors de manifestations prévues ce jeudi.

La tension est encore montée d’un cran dans le pays, alors que la date butoir donnée par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) pour rétablir l’ordre constitutionnel approche.

Tard jeudi, dans un communiqué lu à la télévision, les putschistes ont dénoncé « les accords de coopération dans le domaine de la sécurité et de la défense avec la France », dont un contingent militaire est déployé au Niger.

Et ils ont promis une « riposte immédiate » à « toute agression » de la part d’un pays de la Cédéao, hors Mali et Burkina Faso, membres « amis » suspendus, eux aussi dirigés par des putschistes.  

Ces annonces sont intervenues peu après l’arrivée d’une délégation du bloc ouest-africain à Niamey pour tenter de trouver une sortie de crise, huit jours après le coup d’État au Niger qui a renversé le 26 juillet Mohamed Bazoum.

Celui-ci s’est exprimé jeudi soir, dans une tribune publiée par le média américain Washington Post. Il a mis en garde contre les conséquences « dévastatrices » du coup d’État pour le monde et le Sahel, qui pourrait passer selon lui sous « influence » de la Russie via le groupe paramilitaire Wagner.

« J’appelle le gouvernement américain et l’ensemble de la communauté internationale à aider à restaurer l’ordre constitutionnel », écrit-il, « à titre d’otage », dans sa première déclaration publique depuis son renversement.

La Cédéao, qui a imposé de lourdes sanctions à Niamey, a donné jusqu’à dimanche aux putschistes pour rétablir M. Bazoum, sous peine de potentiellement utiliser « la force ».

Le président du Nigeria Bola Tinubu, aussi président en exercice de la Cédéao, a toutefois demandé à Abdulsalami Abubakar, qui mène la délégation, de « tout faire » pour trouver une « résolution à l’amiable ».

L’organisation, qui a notamment suspendu les transactions financières avec le Niger, a dit se préparer à une opération militaire, même si elle a souligné qu’il s’agissait de « la dernière option sur la table ».

Les chefs d’état-major de la Cédéao sont réunis à Abuja jusqu’à vendredi. Plusieurs armées ouest-africaines, dont celle du Sénégal, se disent prêtes à intervenir si l’ultimatum n’est pas respecté dimanche.

« Revenir à la raison »

Les relations sont tendues entre Niamey et le bloc ouest-africain, et le sont également avec la France, ancienne puissance coloniale.  

L’ambassadeur nigérien à Paris a d’ailleurs été limogé par les putschistes, tout comme ceux aux États-Unis, au Togo et au Nigeria.  

Jeudi, les programmes de Radio France Internationale (RFI) et de la chaîne de télévision d’information France 24 ont été interrompus au Niger, « une décision prise hors de tout cadre conventionnel et légal », selon la maison-mère des deux médias, France Médias Monde.

Les signaux des deux médias ont été coupés « sur instructions des nouvelles autorités militaires », a indiqué un haut fonctionnaire nigérien.

La France a condamné « très fermement » cette décision.

RFI et France 24 sont déjà suspendus au Burkina Faso et au Mali voisins, où les militaires nigériens au pouvoir ont envoyé des délégations mercredi.

Le Mali et le Burkina Faso ont affirmé que toute intervention armée au Niger serait considérée « comme une déclaration de guerre » à leurs deux pays.

Évacuations

Des incidents dimanche lors d’une manifestation devant l’ambassade de France à Niamey ont entraîné l’évacuation mardi et mercredi de 577 Français.

Des milliers de manifestants soutenant la junte au pouvoir sont sortis jeudi dans le calme dans les rues de plusieurs villes nigériennes, à l’appel du M62, une coalition d’organisations de la société civile « souverainistes ».

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De plusieurs centaines au début du rassemblement sur la place de la Concertation à Niamey, les manifestants sont vite devenus des milliers, ont constaté des journalistes de l’AFP. Le rassemblement a pris fin à la mi-journée sans incident.

Nombre d’entre eux scandaient des slogans critiques de la France et brandissaient des drapeaux de la Russie – dont se sont déjà rapprochés le Mali et le Burkina.

Les accès à l’ambassade française et à d’autres chancelleries proches étaient bloqués jeudi par les forces de l’ordre nigériennes, ont constaté des journalistes de l’AFP. Avant la manifestation, Paris avait rappelé « que la sécurité des emprises et des personnels diplomatiques [étaient] des obligations au titre du droit international ».  

Selon le chef de la junte, le général Abdourahamane Tiani, il n’y a « aucune raison objective » de « quitter » le pays.

Les États-Unis, partenaires du Niger comme la France, ont de leur côté affrété un avion pour évacuer leur personnel non essentiel du Niger, quand le président Joe Biden a appelé « à la libération immédiate du président Bazoum ».

Les deux alliés de ce pays en proie à des violences djihadistes depuis plusieurs années y déploient respectivement 1100 et 1500 militaires, dont l’évacuation n’est pas prévue.

M. Bazoum, 63 ans, est retenu avec sa famille depuis le jour du putsch dans sa résidence présidentielle. L’électricité y a été volontairement coupée jeudi, a affirmé son parti.