(Port-Soudan) Le général Abdel Fattah al-Burhane est rentré au Soudan après une visite lundi à Juba pour « discuter » de la guerre qui ravage son pays et qui pourrait faire deux fois plus de réfugiés d’ici fin 2023, selon l’ONU, qui réclame un milliard de dollars de plus.

Selon le Conseil de souveraineté, plus haute autorité du Soudan, le général Burhane est arrivé à Port-Soudan, sur la mer Rouge, après avoir été reçu lundi par le président sud-soudanais Salva Kiir, un ancien rebelle contre Khartoum qui a proclamé l’indépendance de son pays en 2011.

Lundi, les deux hommes ont discuté « des efforts déployés par les pays de la région, en particulier le Soudan du Sud, pour faire face à la crise au Soudan », d’après la même source.

Depuis l’indépendance du Soudan du Sud, M. Kiir est devenu le médiateur traditionnel sur le Soudan. Selon son ministre des Affaires gouvernementales Martin, Elia Lomuro, il est « la seule personne qui possède une (telle) connaissance du Soudan et peut trouver une solution ».  

Il s’agit du deuxième voyage à l’étranger du chef de l’armée, dirigeant de facto du pays depuis son putsch en 2021. Le 15 avril, il est entré en guerre contre les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), dirigés par le général Mohamed Hamdane Daglo, son ancien allié lors du putsch.  

Alors que des rumeurs de négociations à l’étranger pour une sortie de crise se multiplient, le général al-Burhane s’était auparavant entretenu au Caire avec son grand allié Abdel Fattah al-Sissi, rencontré à l’académie militaire durant leur formation.  

« Insectes et feuilles » pour nourriture

La guerre a fait 5000 morts, selon un bilan très sous-estimé, et 3,6 millions de déplacés dans le pays. Plus d’un million de personnes ont aussi fui dans les pays voisins, qui craignent un débordement du conflit.

Le Tchad a reçu le plus gros contingent (plus de 400 000), suivi de l’Égypte (287 000) et du Soudan du Sud (248 000).

En mai, l’ONU réclamait déjà des fonds pour les aider. Elle n’a reçu qu’un quart de ses besoins. Lundi, elle a demandé un milliard de dollars de plus, car « ceux qui arrivent dans les zones frontalières isolées se trouvent dans une situation désespérée ».

Beaucoup d’entre eux survivent dans des camps de fortune sans infrastructures ni accès à un abri, de l’eau ou de la nourriture.

Au Tchad par exemple, « certains n’ont pas reçu de nourriture depuis cinq semaines », indique Susana Borges de Médecins sans frontières (MSF).

« Des gens nourrissent leurs enfants avec des insectes, des herbes et des feuilles », déplore-t-elle.

De quoi aggraver la crise sanitaire alors que les humanitaires doivent déjà traiter de nombreux cas de « paludisme, de diarrhées et de malnutrition », dit encore Mme Borges.

Des épidémies, notamment de choléra et de rougeole, se développent parmi les réfugiés et tuent certains d’entre eux, rappelle l’ONU.

« Il est extrêmement bouleversant de recevoir des informations faisant état de décès d’enfants qui auraient pu être évités si les partenaires avaient disposé de ressources suffisantes », alerte le directeur régional du Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR), Mamadou Dian Balde.

Multiplication des raids aériens

« La communauté internationale doit être solidaire et s’attaquer au sous-financement persistant des opérations humanitaires », plaide-t-il.  

Car les pays d’accueil-Centrafrique, Tchad, Égypte, Éthiopie et Soudan du Sud-hébergeaient déjà des centaines de milliers de déplacés avant la guerre et sont eux-mêmes en prise à de graves crises économiques ou sécuritaires.

Au Soudan même, plus de la moitié des 48 millions d’habitants ont besoin d’aide humanitaire pour survivre, et six millions d’entre eux sont au bord de la famine, préviennent les humanitaires.

À Khartoum, les combats entre l’armée et les paramilitaires, concentrés dans des quartiers densément peuplés, « se sont intensifiés » depuis dimanche avec encore plus « d’échange de tirs d’artillerie et de roquettes », affirment des habitants à l’AFP.  

« L’armée de l’air a bombardé (des positions des paramilitaires, NDLR) près du palais présidentiel », assurent d’autres habitants, évoquant des colonnes de fumée s’élevant au-dessus du centre-ville.  

Pour la première fois depuis le début du conflit, l’armée de l’air cible désormais des bases des FSR installées au beau milieu de quartiers résidentiels, selon des habitants.

Les violences se sont aussi aggravées à Nyala, chef-lieu du Darfour-Sud, dans l’ouest frontalier du Tchad.