Au Maroc, où un violent séisme a déjà fait plus de 2100 morts au sud-ouest de Marrakech vendredi soir, une course contre la montre est en branle pour sauver le plus de vies possible. Mais tandis que les secouristes accélèrent les recherches et que l’aide humanitaire se mobilise partout dans le monde, une réplique a de nouveau ébranlé le pays dimanche, rendant le défi de la reconstruction encore plus grand.

Le sol a encore tremblé

Un nouveau séisme de magnitude 3,9 a touché les Marocains dimanche alors qu’ils priaient pour les victimes du plus fort tremblement de terre à secouer le pays depuis plus d’un siècle et travaillaient à secourir les survivants. Le tremblement de terre survenu tard vendredi soir était de magnitude 7. Jusqu’ici, plus de 2100 personnes sont mortes, mais le bilan des victimes est encore appelé à s’alourdir. On recensait dimanche au moins 2059 personnes blessées, dont 1404 grièvement, selon les plus récentes données du ministère marocain de l’Intérieur. Signe de la détresse nationale : de nombreuses personnes sans logis ont dormi à l’extérieur samedi et dimanche, dans les rues de l’ancienne ville de Marrakech ou encore sous des abris de fortune dans des villages des montagnes de l’Atlas.

Paysage apocalyptique et villageois démunis

Plus de 18 000 familles ont été touchées par le séisme dans la province d’Al-Haouz, épicentre du séisme au sud de Marrakech, selon la télévision publique. Dans plusieurs villages, des tentes ont été dressées pour les abriter. À Tikht, un petit village près d’Adassil, un minaret et une poignée de maisons en argile non peintes tiennent debout au milieu d’un paysage apocalyptique. « La vie est finie ici », déplore Mohssin Aksum, 33 ans, un habitant. « Le village est mort. »

PHOTO FETHI BELAID, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le village de Tikht a été complètement rasé.

À Tafeghaghte, autre village presque entièrement détruit, des secouristes ont pu retirer un corps d’une maison en ruines, selon une équipe de l’AFP. Mais quatre autres sont toujours ensevelis sous les gravats, d’après des habitants. « Tout le monde est parti, j’ai mal au cœur, je suis inconsolable », s’écroule en larmes, Zahra Benbrik, 62 ans, qui témoigne avoir perdu 18 proches. Des villageois démunis de cette province se plaignent de l’absence d’aide des autorités après le violent séisme au Maroc. Une courtière en assurance d’Agadir, Maria Boujdig, a chargé sa voiture de denrées alimentaires et parcouru plus de 200 km pour les distribuer aux habitants de Tafeghaghte. « La tragédie de la mort est accentuée par les mauvaises conditions des survivants. C’est catastrophique et grave d’avoir faim dans ces conditions ! » Dans une banlieue de Marrakech, une file de petits camions se forme devant un supermarché, remplis au fur et à mesure de sacs de 10 kg de farine, packs d’eau, lait, jus d’orange ou autres denrées achetées par des riverains et apportées par des caddies débordants. Plusieurs associations sont à la manœuvre, dont Draw smile et Lions international, pour aider les villages dévastés.

Le plus urgent

« Ce qui presse le plus, c’est de sauver le plus de vies possible », réitère le vice-président québécois de la Croix-Rouge canadienne, Pascal Mathieu. Étant en contact constant avec le Croissant-Rouge marocain, une société membre de la Croix-Rouge, il appelle les Canadiens à donner aux grandes organisations, la manière « la plus rapide et la plus efficace d’aider sur le terrain » pour rediriger les bonnes ressources au bon endroit, au bon moment. « Pour ce qui est de gens qui voudraient se rendre sur place pour aider, on rappelle que les autorités là-bas en ont déjà plein les mains à coordonner l’aide. Si des gens bien intentionnés, mais mal organisés arrivent, ça fait plus de mal qu’autre chose. Bref, évitez d’encombrer la ligne en vous présentant au Maroc, c’est vraiment important », ajoute M. Mathieu.

Rupture d’accès à l’eau potable 

Pour la directrice des opérations internationales chez Médecins du monde Canada, Manon Hourdin, il est évident que le Maroc fait présentement face à une rupture d’accès à l’eau potable dans plusieurs secteurs. La situation est d’ailleurs particulièrement inquiétante dans les villages de l’Atlas qui étaient déjà sous le coup d’alerte en lien avec l’insécurité alimentaire avant le séisme. « À Marrakech, il y a déjà toute une réponse qui est en œuvre, mais dans plusieurs villages où on n’a toujours pas d’accès, c’est autre chose. Plusieurs canalisations ont été cassées, donc c’est sûr qu’il y a une rupture d’accès à l’eau potable », explique-t-elle. « L’important va être de distribuer rapidement de l’eau potable et du savon, surtout si les puits et autres systèmes utilisés localement sont affectés. Les conditions d’hygiène peuvent alors se dégrader rapidement et ça peut faciliter la formation d’épidémies, comme ça se voit souvent lors de séismes ou de catastrophes naturelles », ajoute Mme Hourdin.

Ottawa « sera là » pour aider

À Ottawa, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a promis dimanche que le gouvernement canadien « sera là » pour soutenir financièrement les Marocains dans la reconstruction du pays, sans toutefois préciser l’ampleur de cette aide. En fin de journée, Affaires mondiales Canada (AMC) a réitéré que le gouvernement canadien était « prêt à aider le peuple marocain en cette période difficile ». Ottawa dit être en contact avec environ 50 citoyens canadiens au Maroc. Selon les dernières informations disponibles, aucun Canadien n’a été blessé ou tué lors du tremblement de terre. Jusqu’ici, des dizaines de pays ont offert leur soutien au Maroc, dont la France, la Suisse, les États-Unis, la Belgique, la Turquie et la Pologne, pour ne nommer que ceux-là. Même l’Algérie voisine, aux relations houleuses avec le Maroc, a ouvert son espace aérien, fermé depuis deux ans, aux vols transportant de l’aide et des blessés. Dimanche en soirée, le Maroc a annoncé avoir répondu favorablement, « à ce stade », aux offres de quatre pays « d’envoyer des équipes de recherche et sauvetage » : l’Espagne, la Grande-Bretagne, le Qatar et les Émirats arabes unis. Le ministère de l’Intérieur a ajouté que d’autres offres pourraient être acceptées dans le futur « si les besoins devaient évoluer ». Un peu plus tôt, des Marocains s’étaient plaints sur les réseaux sociaux du fait que le gouvernement ne permettait pas à des équipes étrangères d’entrer dans le pays pour fournir de l’aide.

Faudra-t-il reconstruire des routes ?

Jusqu’ici, l’accès à Marrakech n’est pas un problème, mais l’accès à certaines rues dans les médinas l’est parfois davantage en raison de nombreux bâtiments écroulés, affirme Pascal Mathieu. « C’est la même chose pour l’accès à plusieurs villages, souvent sur des routes montagneuses et escarpées. Les secours peuvent donc parfois impliquer des hélicoptères, ce qui est plus long et plus coûteux », soutient-il. Depuis quelques années, la Croix-Rouge dispose d’ailleurs de drones pour évaluer l’état du territoire, après un séisme, avant de s’y rendre. « Ça nous permet d’être beaucoup mieux équipés quand on arrive sur les lieux », soutient le vice-président québécois à ce sujet.

Un défi pour le système de santé

D’emblée, la bonne nouvelle, c’est que les grands hôpitaux d’Agadir et de Marrakech n’ont pas été touchés, précise Manon Hourdin. « C’est un avantage de taille. Après, dans les prochains jours, l’important va être d’éviter qu’on ait une rupture de continuum de soins. Il va falloir continuer de répondre à l’urgence tout en maintenant les soins pour les maladies chroniques ou l’accès aux médicaments, par exemple », dit-elle. Médecins du monde veillera également à l’accès à la contraception chez les femmes pour éviter les grossesses non désirées, « qui se multiplient souvent lors de telles crises », rappelle la gestionnaire. « Du côté de la santé mentale, on sait aussi qu’à long terme, les besoins vont grandir dans le temps au fur et à mesure que certaines choses remontent à la surface », ajoute-t-elle à ce sujet.

Qu’advient-il du réseau électrique ? Doit-on couper le courant ?

De façon générale, lorsque survient un séisme d’une telle puissance, « les autorités vont couper le courant et l’alimentation en gaz dans les grandes villes pour éviter de créer des incendies ou d’autres accidents », explique Pascal Mathieu. Des ressources sont alors mises en place pour centraliser la production en énergie. En campagne ou en région rurale, cela dit, l’enjeu peut être plus compliqué. « Si l’alimentation en électricité n’est pas déjà coupée, on ne va pas nécessairement l’interrompre s’il n’y a pas de danger immédiat. Il ne faut pas non plus empêcher des systèmes de santé ou de sécurité de fonctionner. C’est vraiment une évaluation qui est faite au cas par cas », conclut le vice-président de la Croix-Rouge canadienne.

Avec l’Agence France-Presse

En savoir plus
  • 300 000
    Nombre de personnes touchées par le séisme survenu vendredi à 23 h 11, heure locale
    Source : ORGANISATION DES NATIONS UNIES (ONU)
    3500
    Nombre de sauveteurs du monde entier, regroupés dans une centaine d’équipes, qui sont enregistrés auprès d’une plateforme de l’ONU et sont prêts à être déployés au Maroc, selon Secouristes sans frontières
    Source : SECOURISTES SANS FRONTIÈRES
  • 15 000
    Nombre de personnes qui avaient péri lors du séisme de février 1960 qui avait détruit Agadir, sur la côte ouest du Maroc. Le séisme de vendredi est le plus meurtrier depuis celui-ci.
    Source : mINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR du Maroc
    4763
    Nombre de personnes inscrites au Royaume du Maroc selon la base de données de l’Inscription des Canadiens à l’étranger (ROCA)
    Source : Affaires mondiales Canada (AMC)