(Taroudant, Maroc) Trois jours après le séisme qui a touché le sud du Maroc le 8 septembre, le bilan des victimes, toujours provisoire, s’élève à plus de 2800 morts et 2500 blessés. Des centaines de localités ont été touchées, plus ou moins fortement.

Dans la province de Taroudant, l’une des plus gravement touchées par le séisme, la population se mobilise pour aider les victimes de la tragédie. Mais les secours tardent à rejoindre les villages les plus isolés. Sans eau ni électricité, les sinistrés attendent encore l’aide salutaire.

Dans le centre-ville de Taroudant, ville de 90 000 habitants, située à une heure en voiture d’Agadir et à trois heures de Marrakech, une dizaine de camions sont stationnés. Alignés sur le trottoir, deux chauffeurs, Aziz et Omar, se préparent à manger en attendant les papiers des autorités qui leur permettront d’aller livrer des tentes dans les villages des montagnes aux alentours. « Chaque camion en contient 300 », précise Aziz. Encore faut-il que ces véhicules puissent accéder à tous les villages. L’opération s’annonce pénible et exigeante.

Ce que l’on appelle ici les villages de montagne – douar en arabe –, c’est un chapelet de hameaux qui ne regroupent parfois que quelques maisons. Dès la sortie de la ville, ils s’égrènent sur les routes sinueuses. Jusqu’à Tamaloukt, elles sont encore praticables. Ensuite, c’est un autre voyage qui commence. Rien n’a encore été déblayé. Sur le bord, sous le soleil de plomb du milieu de journée, un homme seul tente de dégager le bitume des débris rocheux.

PHOTO EVA TAPIERO, COLLABORATION SPÉCIALE

Une fois sorti de Tamaloukt, la route devient de moins en moins praticable à mesure qu’elle s’enfonce dans les montagnes.

D’abord, le trajet est parsemé de cailloux, plus tard, il s’agit de rochers et enfin, d’énormes morceaux de montagne entre lesquels il devient difficile, et audacieux, de slalomer. Tout cela complique les opérations de secours.

L’organisation de la survie dans la montagne

Il y a les bourgades qui ont quasiment été épargnées et celles dont il ne reste plus rien, anéanties par la violence du séisme. À Tamaloukt, quelques maisons sont détruites. C’est aussi le cas un peu plus loin, à Ait Taleb. Un petit groupe d’hommes s’active pour sécuriser ce qui ne tient qu’à un fil.

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Par endroits, les bâtiments qui ne se sont pas écroulés après le séisme de vendredi menacent de le faire à tout moment.

Deux choses sont particulièrement préoccupantes. La première, des fils électriques ont été endommagés par les murs tombés dessus. La seconde, le fer forgé ondulé qui ornait toutes les fenêtres menace de tomber. Les visages sont fermés, tous sont encore secoués.

Entre les hameaux, sur le bord des routes, on croise des groupes de familles et d’amis. Ils marchent pour rejoindre les localités de leur entourage et prendre des nouvelles.

Au milieu de nulle part, une grande tente est posée, aucun village n’est visible autour. Le drapeau vert et rouge du Maroc flotte au vent, accroché à l’entrée. Malgré l’état des routes, un petit ballet de voitures et de motos circule. Les éboulements et l’étroitesse de certaines rues rendent la tâche de se croiser relativement compliquée, ce qui finit par créer des embouteillages dangereux. D’un coup, un deux-roues qui roule à vive allure apparaît. À l’avant, une enfant de 5 ans est endormie. L’homme qui conduit tient d’une main le guidon, de l’autre la tête de la petite.

Après les routes sinueuses, la voiture avance mètre par mètre pendant une dizaine de minutes, jusqu’à ce que cela devienne complètement impraticable. Il faut alors descendre du véhicule et continuer à pied. Encore 30 minutes sont nécessaires, dont une bonne vingtaine en montée sur une pente raide, à flanc de montagne. Il y a de la poussière partout, les arbres en sont couverts, ce qui leur donne un aspect étrange, comme s’ils étaient morts.

La fin du parcours est éprouvante. Arrivée à Missirat, c’est l’effondrement de tout côté. Impossible de comprendre comment le douar était à l’origine. Il ne reste rien. Pas une seule maison n’a résisté. Celles qui n’ont pas été réduites en poussière menacent de s’effondrer à tout moment. Une réplique serait fatale. Les chiffres officiels sont difficiles à confirmer, les villageois parlent de 16 morts. Peut-être plus. Ils sont 32 survivants.

PHOTO EVA TAPIERO, COLLABORATION SPÉCIALE

Des villageois sont rassemblés à un point de vue surplombant Missirat.

Une enfant de 10 ans est assise toute seule. « Elle a perdu la totalité de sa famille », souffle Yousra*, 28 ans, venue rendre visite à des proches. Devant le spectacle désolant, elle s’emporte : « Il n’y a rien ici, les représentants de la commune n’ont pas fait dégager la route, ça reste très difficilement accessible, il n’y a que des tentes et encore, il en manque beaucoup. Les gens dorment dehors dans des conditions catastrophiques ; la nuit, il fait froid pour les enfants, les bébés. Ils donnent des couvertures et des matelas, mais ça ne suffit pas, les gens souffrent beaucoup. Il n’y a pas d’eau, pas d’électricité. »

Dans ce dénuement total, sous l’unique toile blanche tendue qui sert de maison au reste du village, le couscous est préparé, le couscous est partagé. Avec tous ceux et celles qui arrivent jusque-là. Et des mots rares, mais accueillants.

À quelques kilomètres, à Afensou, de taille plus importante que Missirat, c’est le même constat. Peu de constructions tiennent encore debout. Le minaret de la mosquée est très endommagé, tout comme la salle de prière, fissurée. Il faut se frayer un chemin pour traverser et être prudent. Les roches roulent sous les pieds, le sol est instable. Yousra* prend une photo. Celle d’une maison de famille dans laquelle elle se rendait parfois. Une page qui se tourne.

* Les prénoms sont fictifs

Des habitations de fortune dans le centre-ville

Dans le centre-ville de Taroudant, une vie précaire, que tous espèrent provisoire, s’organise. Un grand parc accueille des dizaines de familles, qui pour la plupart ont encore une maison, mais ont trop peur de la regagner. Personne ne sait pendant combien de temps ce camp de fortune va rester en place. Quelques draps ou voilages sont accrochés les uns aux autres. Ce sont les murs. En guise de sol, des tapis sont posés à même la terre ou l’herbe. Les plus chanceux ont récupéré de fins et étroits matelas qui servent habituellement pour les banquettes. Une théière et quelques ustensiles de cuisine en supplément complètent la majorité des emplacements. C’est sommaire, malgré l’entraide qui ne faiblit pas.

Eva Tapiero, collaboration spéciale

L’entraide sur les réseaux sociaux

Les réseaux sociaux s’avèrent être des alliés dans les moments de tragédie. Celle qui touche le Maroc ne fait pas exception. Sur Instagram, les pages qui relaient ou organisent des initiatives de collecte de dons ou de fonds se comptent par centaines. Un collectif de photographes marocains propose une vente de tirages dont les bénéfices seront reversés à une association humanitaire. Un groupe de psychologues s’est créé pour mettre en place une cellule d’écoute d’urgence avec une liste de volontaires. Des hôtels et des particuliers proposent de loger sans frais ceux qui n’ont plus de toit. Chacun à son échelle semble mobilisé pour soutenir celles et ceux qui ont le plus souffert.

Eva Tapiero, collaboration spéciale

L’Espagne envoie des renforts supplémentaires

Le gouvernement espagnol a annoncé lundi soir l’envoi de nouveaux sauveteurs en renfort au Maroc qui fait face à une course contre la montre pour secourir d’éventuels survivants. Ces renforts consistent en 31 spécialistes en recherche, 15 chiens de recherche et sauvetage et 11 véhicules qui s’ajoutent aux équipes déjà envoyées, a annoncé le ministère espagnol de l’Intérieur dans un communiqué. Ces effectifs doivent arriver ce mardi dans les zones d’opérations. Ils s’ajoutent aux huit chiens, 56 militaires spécialisés et 30 experts de la région de Madrid déjà sur place.

Vincent Larin, La Presse

Toujours aucune victime canadienne signalée

Aucun citoyen canadien disparu, blessé ou décédé n’a été signalé pour le moment en lien avec le tremblement de terre qui a frappé le sud-ouest de Marrakech le 8 septembre. Affaires mondiales Canada indique toutefois avoir reçu plus de 100 demandes de renseignements de Canadiens actuellement au Maroc ou de leurs familles ou amis. La plupart cherchent des renseignements généraux liés aux conseils de voyage ou à l’état des aéroports, précise-t-on. « D’autres ont communiqué avec nous parce qu’ils ont de la difficulté à joindre leurs proches immédiatement après le séisme », a indiqué un porte-parole d’Affaires mondiales Canada par courriel, lundi soir.

Vincent Larin, La Presse