(Niamey) Deux mois après le coup d’État du 26 juillet au Niger, le bras de fer entre les autorités militaires qui ont pris le pouvoir et la CEDEAO qui dénonce ce coup de force, soutenue par plusieurs pays occidentaux, s’éternise.  

L’annonce dimanche soir par Emmanuel Macron du prochain retour de l’ambassadeur de France et des soldats français qui étaient déployés au Niger, une exigence du régime de Niamey, laisse toutefois entrevoir des perspectives d’évolution dans ce statu quo.  

Quels sont les effets des sanctions de la CEDEAO ?

Les frontières avec le Bénin et le Nigeria sont toujours fermées depuis que la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a imposé de lourdes sanctions économiques au Niger après le coup d’État, affectant l’approvisionnement en biens de première nécessité d’un pays parmi les plus pauvres du monde.

Selon les Nations unies, les prix des céréales de base dans l’alimentation de nombreux Nigériens (riz, sorgho, maïs, millet) ont augmenté de 12 à 24 % depuis le début de la crise politique et des sanctions.  

Et les médicaments manquent : « depuis le 19 septembre, le taux de rupture tourne autour de 30 à 55 % », déplore le secrétaire général de l’Ordre des pharmaciens du Niger, Amadou Seyni Maïga.

L’ONU assure avoir effectué un « plaidoyer qui a permis d’infléchir la position de la CEDEAO afin de prendre en compte les besoins humanitaires », mais « les exemptions humanitaires tardent à se matérialiser », concède Louise Aubin, coordinatrice humanitaire des Nations unies au Niger.

Les échanges économiques continuent toutefois entre le Niger et certains voisins comme l’Algérie, et les sanctions n’ont pas entamé la résolution des autorités militaires ni celle de leurs partisans.  

Le Niger peut également compter sur le Mali et le Burkina voisins, avec lesquels il a signé une alliance prévoyant assistance mutuelle en cas d’atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale d’un de ces trois pays dirigés par des militaires.  

Où en sont les négociations avec la CEDEAO ?

Tout en affirmant qu’elle privilégiait une résolution de la crise par la voie diplomatique, la CEDEAO n’a renoncé ni aux sanctions ni à une hypothétique intervention militaire pour rétablir l’ordre constitutionnel. Elle a même annoncé que le jour et les modalités de l’opération avaient été décidés.

Mais en coulisse les États membres sont divisés et l’organisation ouest-africaine reste discrète sur les modalités de cette intervention à haut risque pour le pays et la région.

Le régime militaire, dirigé par le général Abdourahamane Tiani, qui a nommé un gouvernement, souhaite de son côté mettre en place une transition de trois ans « maximum » et dans les rues de Niamey certaines associations de soutien au régime mobilisent même pour une durée plus longue.  

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Le général Abdourahamane Tiani

« La CEDEAO est prête à rechercher un compromis, mais elle n’acceptera pas la transition de 3 ans », affirme une source diplomatique régionale.

La position de la France a-t-elle évolué ?

Jusqu’à dimanche soir, Paris et Niamey campaient sur leurs positions depuis le coup d’État du 26 juillet et les relations sont au plus bas entre les deux capitales.  

La France refuse de reconnaître la légitimité du régime militaire et avait jusque là fait la sourde oreille à ses demandes, martelant que le président déchu Bazoum était son seul interlocuteur.  

Les généraux de Niamey, ont eux placé la France dans leur collimateur, dès leur arrivée au pouvoir.  

Ils ont d’abord dénoncé début août des accords de coopération militaire avec Paris et ont qualifié d’« illégale » la présence des quelque 1500 soldats déployés dans la lutte antidjihadiste. De nombreuses manifestations soutenant leur demande de retrait des troupes françaises ont eu lieu ces dernières semaines à Niamey.  

Ils ont ensuite exigé, fin août, l’expulsion de l’ambassadeur français Sylvain Itté.  

Deux demandes auxquelles Paris a finalement accédé, dimanche soir.  

La situation sécuritaire s’est-elle améliorée ?

Le Niger est miné depuis plusieurs années par des violences de groupes armés djihadistes.  

Les attaques se sont poursuivies depuis le putsch, à l’image de celle qui a frappé le 15 août un détachement de soldats nigériens près du Burkina, faisant 17 morts.  

La zone dite des « trois frontières » dans le sud-ouest du pays, près du Burkina et du Mali, reste la plus touchée par les violences.  

Quel avenir pour les dignitaires du régime déchu ?

Depuis deux mois, M. Bazoum est séquestré au palais présidentiel avec son épouse et son fils. Mercredi dernier, son avocat a saisi la cour de justice de la CEDEAO pour obtenir sa libération et le rétablissement de l’ordre constitutionnel.

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Le président déchu Bazoum

Les auteurs du coup d’État qui avaient annoncé leur intention de « poursuivre » M. Bazoum pour « haute trahison » et « atteinte à la sûreté » du pays ont de leur côté lancé jeudi dernier des avis de recherche contre une vingtaine de personnalités du gouvernement déchu.

Les militaires, qui sont arrivés au pouvoir en invoquant notamment la dégradation de la situation sécuritaire et la lutte contre la corruption, ont annoncé la création d’une commission ayant « pour mission principale le recouvrement de tous les biens publics illégalement acquis et/ou détournés ».

Les sujets de politique intérieure reviennent dans les débats à Niamey et les critiques n’épargnent pas le prédécesseur de M. Bazoum, Mahamadou Issoufou (2011-2021).

« Pendant 12 ans, ce pays a été pillé, arnaqué. La première revendication, c’est d’abord la justice », assure Clément Anatovi, un artiste à l’initiative de plusieurs réunions publiques citoyennes à Niamey.