(Mombasa) Le pasteur Paul Nthenge Mackenzie a été formellement poursuivi jeudi pour avoir notamment « facilité la commission d’un acte terroriste », après la mort au Kenya de 429 adeptes de sa secte évangélique auxquels il prêchait de jeûner jusqu’à la mort.

Le pasteur autoproclamé a plaidé « non coupable » à la lecture des quatre chefs d’accusation lors de sa comparution devant un tribunal de la ville de Mombasa (sud-est), neuf mois après avoir été placé en détention dans le cadre de cette affaire qui s choqué ce pays religieux d’Afrique de l’Est.

L’acte d’accusation consulté par l’AFP vise un total de 95 accusés et mentionne les chefs de « facilitation de la commission d’un acte terroriste », « possession d’un article en lien avec une infraction à la loi sur la prévention du terrorisme », « participation à une activité criminelle organisée » et « radicalisation ».

Chauffeur de taxi avant de se proclamer pasteur, Paul Nthenge Mackenzie est en détention depuis le 14 avril, au lendemain de la découverte des premières victimes dans la forêt de Shakahola où se réunissait son « Église internationale de Bonne Nouvelle ».

Les recherches menées dans cette vaste zone de « bush » de la côte kényane ont depuis permis de découvrir 429 corps dans des tombes ou fosses communes, des décès qui se sont étalés sur plusieurs années.

Les autopsies ont révélé que la majorité des victimes sont mortes de faim, vraisemblablement après avoir suivi les prêches de Paul Nthenge Mackenzie qui prônait de jeûner jusqu’à la mort pour « rencontrer Jésus » avant la fin du monde qu’il prévoyait pour août 2023.

Certaines victimes, dont des enfants, ont été étranglées, battues ou étouffées.

Autres accusations à venir

Paul Nthenge Mackenzie devrait être visé par d’autres accusations dans ce qui a été baptisé « le massacre de Shakahola ».

Mardi, toujours dans le sud-est, des procureurs d’un tribunal de Malindi, avait annoncé vouloir poursuivre 95 personnes pour une dizaine de chefs incluant également, outre les quatre mentionnés jeudi, ceux d’« assassinat », « soumission d’un enfant à la torture » et « cruauté sur enfant ».

Lors d’une audience mercredi sur les accusations d’assassinat, le tribunal a ordonné un délai de 14 jours pour que des expertises psychiatriques soient menées sur le pasteur et 30 coaccusés.  

La prochaine audience a été fixée au 6 février.

Le pasteur doit également comparaître le 25 janvier devant un autre tribunal de Mombasa en vue d’éventuelles poursuites pour crimes commis sur des enfants.

Le tribunal de Mombasa avait sommé le 9 janvier les procureurs d’engager des poursuites formelles contre les accusés, sous peine de devoir les libérer de leur détention provisoire.

« Pire faille de sécurité »

La révélation de ce scandale avait placé les autorités kényanes sous le feu des critiques pour ne pas avoir empêché les agissements du pasteur Mackenzie, pourtant arrêté à plusieurs reprises pour ses prêches extrêmes.

Dans un rapport publié en octobre, une commission sénatoriale a pointé des « défaillances » de la justice et de la police, alertées en 2017 et 2019.

En juillet, le ministre de l’Intérieur Kithure Kindiki a estimé que « le massacre de Shakahola (était) la pire faille de sécurité de l’histoire » du Kenya, promettant de « faire pression sans relâche pour des réformes légales afin de dompter les prédicateurs voyous ».

L’affaire a ravivé le débat sur l’encadrement des cultes au Kenya.

Le président William Ruto, lui-même un fervent protestant soutenu par les milieux évangéliques lors de son élection en août 2022, a créé un groupe de travail chargé de « l’examen du cadre légal et réglementaire régissant les organisations religieuses ».

Mais les précédentes tentatives de réglementation se sont heurtées à une vive opposition, au nom notamment de la liberté de culte.

Le gouvernement a annoncé que la forêt de Shakahola serait transformée en « lieu de mémoire », « afin que les Kényans et le monde n’oublient pas ce qui s’est passé ».