Les violences qui gangrènent ces jours-ci l’Équateur ne sont pas sans incidence ici, au Québec. Une quarantaine d’élèves qui devaient s’envoler pour l’Équateur à la fin de février iront finalement au Pérou, le collège Charles-Lemoyne ayant dû revoir l’itinéraire.

« Quand on a appris que le pays avait déclaré l’état d’urgence et qu’on a vu les images en provenance de l’Équateur, on a décidé de faire des démarches pour changer nos plans », explique David Bowles, directeur général de l’école située à Longueuil.

Trente-sept élèves de quatrième et de cinquième secondaire et quatre accompagnateurs planifiaient depuis plus d’un an ce « voyage d’initiation à la coopération internationale ». Des activités de collecte de fonds avaient été organisées par les élèves eux-mêmes et certains ont travaillé, même « puisé dans leurs économies », en préparation du périple. Or, le 7 janvier dernier, l’évasion de prison d’un influent chef de gang a mis le feu aux poudres en Équateur, chamboulant les plans du collège.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Le collège Charles-Lemoyne a changé la destination d’un voyage de coopération internationale prévu en Équateur en raison des violences qui secouent le pays.

M. Bowles a d’abord craint qu’il soit impossible de rembourser les élèves ou de leur offrir une solution de rechange. « Contrairement à d’autres pays, le Canada n’a pas augmenté son niveau d’alerte pour l’Équateur, ce qui complexifie les changements de vol », raconte le directeur du collège.

Par chance, l’agence Explorateur Voyages, avec qui il fait affaire, n’avait pas encore acheté les billets – elle ne les avait que réservés. Ce faisant, les « élèves ont seulement perdu un dépôt » d’une valeur d’environ 135 $ chacun, affirme Julien Passerini, cofondateur et directeur des opérations de l’agence. Les pertes sont également « minimes » en ce qui a trait aux activités sur le terrain : « On perd les billets pour le guide, mais hormis ça, on n’avait pas encore fait de dépenses. »

« Le timing était bon », résume M. Passerini, qui estime que la situation aurait été tout autre si les violences avaient éclaté ne serait-ce que deux semaines plus tard. Du reste, le coût du voyage au Pérou, dont le coup d’envoi se fera le 24 février, devrait s’apparenter à celui du voyage en Équateur.

Destination à éviter

« Ce n’est vraiment pas une bonne idée de voyager en Équateur en ce moment », confirme Marie-Christine Doran, de l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa, qui suit de près les développements dans ce pays. La situation y étant hautement volatile, elle estime que la prudence est de mise.

Pourtant, Affaires mondiales Canada (AMC) n’a pas relevé son niveau d’alerte pour l’Équateur depuis que la situation s’y est détériorée.

Sur quatre niveaux, il est demeuré au deuxième, qui intime aux voyageurs de « faire preuve d’une grande prudence ». C’est également ce que recommande AMC aux gens qui se rendent en France et au Royaume-Uni, notamment.

Comme l’avertissement en vigueur se trouve en deçà du troisième palier – « évitez tout voyage non essentiel » –, le collège Charles-Lemoyne n’aurait pu bénéficier d’un remboursement sans la « bonne coopération » de l’agence Explorateur Voyages. « Elle aussi préférait revoir la destination », indique M. Bowles.

Une situation qui a néanmoins étonné M. Passerini. « Ça m’a surpris que l’alerte ne soit pas rehaussée » alors que le gouvernement canadien est d’ordinaire plutôt conservateur, avance-t-il. « Souvent, il met des alertes assez rapidement et les laisse en vigueur très longtemps. »

« Dans les villes et les prisons »

Un groupe de voyageurs se trouvait en Équateur au moment où la situation s’est enflammée, raconte par ailleurs M. Passerini. Explorateur Voyages lui a offert de revenir au Québec, auquel cas le voyage « aurait été perdu », un remboursement n’étant pas dans les cartons sans rehaussement du niveau d’alerte.

« D’un commun accord, tout le monde a décidé de poursuivre le voyage et personne n’a ressenti l’impact » des violences. Celles-ci, dit-il, se jouent davantage « dans les prisons et dans certains centres urbains », tandis que le périple offert amène les voyageurs surtout dans les campagnes. « Là où ils sont, le climat est normal », assure-t-il, précisant que le groupe doit rentrer au pays le week-end prochain.

David Bowles se réjouit quant à lui que ses élèves puissent se rendre dans un pays andin, même si ce n’est pas celui d’abord prévu. La situation en Équateur le désole néanmoins, lui qui s’y était rendu il y a une vingtaine d’années, alors qu’il était enseignant.

« J’avais organisé un voyage semblable en 2006, raconte-t-il, et ç’avait été tout simplement magnifique. C’est triste de voir ce qui s’y passe aujourd’hui. »