(Genève) La répression au Xinjiang, celle des libertés civiles ou encore la législation draconienne sur la sécurité nationale de Hong Kong devraient être soulevées mardi lors d’un examen par ses pairs de la situation des droits de l’homme en Chine.

Pékin fera probablement l’objet d’un examen minutieux, notamment de la part des pays occidentaux, lors de son Examen périodique universel (EPU) – évaluation du bilan en matière de droits de l’homme des États membres de l’ONU, effectuée tous les quatre à cinq ans.  

« Il est très important de demander des comptes à la Chine », a déclaré un diplomate occidental.

L’éventail des questions susceptibles d’être soulevées est vaste, depuis la loi sur la sécurité nationale imposée à Hong Kong en 2020 pour réprimer la dissidence jusqu’aux efforts visant à effacer l’identité culturelle et religieuse au Tibet.

Et le Xinjiang devrait aussi figurer en bonne place. La Chine est accusée d’y avoir interné plus d’un million de Ouïghours et autres minorités musulmanes.

Des accusations, déjà avancées lors de son dernier EPU en 2018, que Pékin rejette avec véhémence.

Depuis lors, davantage de documents de l’ONU ont été fournis, notamment un rapport publié par la Haute-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, juste avant la fin de son mandat en 2022.

« Crimes contre l’humanité »

Dans le sillage des ONG, qui dénoncent de longue date la situation au Xinjiang, le Haut-Commissariat des droits de l’homme de l’ONU avait fait état en 2022 d’un corpus conséquent de documents qui étayent des allégations « crédibles » de torture généralisée et de détention arbitraire, citant de possibles « crimes contre l’humanité ».  

Mais Pékin a réussi en octobre 2022, au terme d’une intense campagne, à empêcher que le rapport du Haut-Commissariat ne soit débattu dans l’enceinte du Conseil des droits de l’homme.

« Nous n’avons pas assisté à un débat vraiment substantiel sur le rapport », souligne Sarah Brooks, directrice adjointe d’Amnistie internationale pour la Chine.

Elle et d’autres défenseurs des droits espèrent que l’EPU permettra de revenir plus avant sur ce sujet.

« C’est l’occasion idéale pour les pays de soulever la question et d’exiger des actions concrètes pour mettre fin au génocide en cours », a déclaré à l’AFP Dolkun Isa, président du Congrès mondial ouïghour, qui vit en Allemagne.

Pour Sophie Richardson, ancienne directrice de Human Rights Watch pour la Chine, Pékin devra répondre à « des préoccupations fondées concernant des crimes contre l’humanité ».  

Des questions devraient également être soulevées sur la répression de Pékin contre la société civile.  

Cette année marque le 10e anniversaire de la mort de la militante Cao Shunli, arrêtée en Chine alors qu’elle tentait de se rendre à Genève à la veille de l’EPU de 2013.  

Après avoir été détenue pendant plusieurs mois sans inculpation, elle est tombée gravement malade et est décédée en mars 2014.  

Mme Richardson a exhorté les pays à saisir l’opportunité « pour poser des questions et faire des recommandations à (Pékin) d’une manière que la grande majorité des Chinois n’ont jamais l’occasion de faire ».  

« Ils doivent prendre le processus au sérieux », insiste-t-elle auprès de l’AFP.

Politisation

L’importante délégation chinoise, menée par l’ambassadeur de Pékin auprès de l’ONU à Genève, Chen Xu, aura à cœur de démentir les accusations et de réitérer sa propre interprétation des droits l’homme.

« Nous défendons le respect et la protection des droits de l’homme comme une tâche importante dans la gouvernance de l’État », a déclaré à l’AFP un porte-parole de la mission chinoise à Genève, dans un courriel, soulignant que la Chine « s’oppose fermement à la politisation des droits de l’homme et aux deux poids, deux mesures ».  

Afin de contrôler le discours, Pékin aurait demandé à l’ONU de mettre à l’écart de la session publique les « séparatistes anti-Chine » et que tout slogan anti-Chine soit exclu.

Selon des observateurs, elle a aussi fait campagne pour s’assurer que ses soutiens habituels donnent de la voix dans l’hémicycle, que ce soit des diplomates de pays amis ou des représentants d’organisations non gouvernementales pro-Pékin.

Au total, 163 États se sont inscrits pour prendre la parole au cours de la demi-journée, laissant à chaque pays seulement 45 secondes au compteur.

« Comment pouvons-nous résumer nos inquiétudes concernant la Chine en 45 secondes ? », s’est plaint un diplomate occidental.

L’ambassadrice américaine Michele Taylor a affirmé s’être entraînée à une « lecture rapide » avant l’EPU.  

« Je ferai passer tous mes arguments », a-t-elle assuré lundi.