L'OTAN a lancé samedi de nouveaux raids sur le secteur de la résidence de Mouammar Kadhafi à Tripoli, après l'engagement américain, français et britannique au G8 de «finir le travail» en Libye et la pression accrue pour un départ du leader libyen, désormais lâché par la Russie.

Une forte explosion a secoué la capitale libyenne samedi vers 04h00 (heure de Montréal). Une colonne de fumée blanche s'est élevée peu après au-dessus du secteur de Bab Al-Aziziya, résidence du colonel Kadhafi, cible depuis quatre jours de bombardements intensifs.

Plus tôt, vers 21h00 vendredi deux détonations ont retenti dans le même secteur, où l'Otan affirme avoir visé un «centre de commandement et de contrôle».

Sur le plan diplomatique, Tripoli a essuyé vendredi un nouveau revers majeur, après avoir été lâché par la Russie qui s'est alignée, lors du sommet du G8 à Deauville, sur la position des Occidentaux pour réclamer le départ du colonel Kadhafi.

Le président russe Dimitri Medvedev, dont le pays refusait jusqu'alors de soutenir les appels américain et français à son départ, s'était abstenu lors du vote à l'ONU de la résolution 1973 autorisant des frappes internationales contre Tripoli.

Il a signé par ailleurs vendredi la déclaration finale du G8 affirmant que M. Kadhafi avait «perdu toute légitimité», et a offert à ses partenaires sa «médiation» dans le conflit, annonçant l'envoi immédiat d'un émissaire à Benghazi, fief de la rébellion libyenne dans l'Est.

Mais à Tripoli, la portée de ce revirement a été minimisée par le vice-ministre aux Affaires étrangères, Khaled Kaaim.

«Le G8 est un sommet économique. Nous ne sommes pas concernés par ses décisions», a-t-il dit.

Il a rejeté dans le même temps une éventuelle conciliation de Moscou, affirmant que Tripoli n'«acceptera aucune médiation qui marginalise le plan de paix de l'Union africaine».

À Benghazi en revanche, le président du Conseil national de transition (CNT, instance dirigeante de la rébellion), Moustapha Abdeljalil, a salué la nouvelle «position affichée» par la Russie.

Il a indiqué s'attendre à une venue de la délégation russe «la semaine prochaine».

Il a aussi répété «pour la dernière fois» la position du CNT qui n'a «aucune intention d'accepter des négociations qui ne seraient pas basées sur le départ de Kadhafi pour mettre un terme au conflit».

Une révolte sans précédent a éclaté à la mi-février contre le régime du colonel Kadhafi, qui l'a durement réprimée, pour se transformer en guerre civile.

La révolte a poussé près de 750 000 personnes à fuir, selon l'ONU, et fait des milliers de morts selon le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno-Ocampo, qui a demandé un mandat d'arrêt contre Mouammar Kadhafi pour crimes contre l'humanité.

À Deauville, le président américain Barack Obama, qui a appelé une nouvelle fois au départ du leader libyen, a averti que la coalition internationale allait «finir le travail» en Libye.

Sur le terrain, deux rebelles ont été tués vendredi dans des affrontements avec des troupes gouvernementales, à 285 km au sud-est d'Ajdabiya (est).

«Il y a eu des affrontements avec les forces de Kadhafi. Deux rebelles ont été tués à 103, un site pétrolier», a déclaré Jamal Mansour, un commandant rebelle à Ajdabiya.

Les insurgés avaient déjà fait état de combats sporadiques autour de la ville de Jallo dans le sud-est, sous contrôle des rebelles.

À Misrata, ville stratégique assiégée pendant des semaines par les forces fidèles à Kadhafi avant que les rebelles ne les délogent de l'aéroport, un témoin a indiqué à l'AFP que la situation commençait à redevenir «normale».

De nombreux barrages ont été enlevés, des employés nettoient la ville et arrosent les pelouses dans les lieux publics et de nombreux magasins ont rouvert, selon lui.

Mais selon des sources hospitalières, les troupes de Kadhafi continuent de bombarder Misrata et faire des victimes civiles.

L'OTAN a par ailleurs accusé récemment les forces pro-Kadhafi d'avoir posé de nombreuses mines autour de cette ville située à 200 km à l'est de Tripoli. Leur objectif est de «reprendre la ville aux rebelles», a déclaré le commandant en chef de l'opération de l'OTAN, Charles Bouchard.

Sur le plan diplomatique, le Sénégal a reconnu le CNT «comme représentant légitime du peuple libyen», comme l'ont déjà fait la France, l'Italie, le Qatar, la Gambie, la Jordanie, et la Grande-Bretagne de facto.