La mission d'observation de la Ligue arabe, qui avait pour but de faire cesser la violence en Syrie, va de mal en pis. Hier, le premier ministre du Qatar a avoué à New York que les observateurs avaient fait plusieurs «erreurs». Selon l'opposition, la répression des manifestations par le régime de Bachar al-Assad a fait au moins 400 morts depuis l'arrivée de ces derniers en sol syrien, dont 24 hier. Devant le constat d'échec, des voix s'élèvent pour demander une intervention armée de l'Occident, dont celle d'un jeune rebelle qui a accordé une entrevue exclusive à La Presse.

«Envoyez l'OTAN. Au plus vite.» Hassan (nom fictif) hoche tristement la tête en implorant les forces occidentales d'intervenir dans son pays, la Syrie.

Après 10 mois de rébellion, accompagnée par 10 mois de répression qui ont fait entre 5000 et 7000 morts selon de récents rapports, le jeune Syrien dans la vingtaine ne voit plus d'autre issue. «ll va y avoir des morts si l'OTAN bombarde, c'est certain, mais la souffrance va être de courte durée. Là, un peuple entier est en train de se faire tuer. Un à la fois. Ce régime ne tombera jamais à moins d'une intervention», a-t-il dit à La Presse hier lors d'une entrevue par l'entremise de Skype.

Des morts, Hassan - dont nous avons changé le nom pour des raisons de sécurité - en a vu plusieurs au cours des dernières semaines dans la ville du centre de la Syrie dont il est originaire. «On manifeste sans arrêt depuis le mois du ramadan. Au début, on n'était qu'une trentaine, mais beaucoup de gens se sont joints à nous. Autour du 15e ou du 16e jour du ramadan (mi-août), les forces de sécurité ont ouvert le feu et ont tué cinq personnes. Trois hommes, une fille et un enfant». Cette manifestation a été un tournant dans la vie du jeune Syrien.

Depuis, tenir tête au régime de Bachar al-Assad est devenu le métier à temps plein d'Hassan, qui, il y a quelques mois à peine, était enseignant. Au sein d'un groupe de rebelles improvisés, il a notamment le rôle de trouver des armes. «On n'avait rien pour se défendre. Il a fallu faire quelque chose», note-t-il en expliquant qu'il a réussi à convaincre des fonctionnaires de l'État de lui céder des armes à feu.

Des groupes comme le sien sont apparus un peu partout en Syrie. D'autres ont été mis sur pied par des déserteurs de l'armée, qui forment aujourd'hui une coalition appelée l'Armée libre de Syrie. Certains de leurs représentants ont rencontré hier le groupe d'observateurs de la Ligue arabe, en sol syrien depuis la fin du mois de décembre. Les déserteurs, tout comme le Conseil national syrien - une organisation ombrelle des mouvements d'opposition - demandent l'imposition d'une zone d'interdiction aérienne pour créer des «secteurs sécuritaires» pour les déserteurs et les réfugiés qui tentent d'échapper à la violence.

Des airs de guerre civile

D'un pays limitrophe où il séjourne actuellement, Hassan se désole. La situation dans son pays ressemble de plus en plus à une guerre civile. Et les tensions interreligieuses remontent plus que jamais à la surface. Les musulmans sunnites, le groupe majoritaire auquel Hassan appartient, sont outrés de voir des membres des minorités religieuses soutenir la machine de répression de Bachar al-Assad, lui-même appartenant à la minorité alaouite. «Les gens crient dans la rue: les chrétiens à Beyrouth, les alaouites dans leurs cercueils», rapporte le jeune homme. Un slogan qui ne laisse présager rien de bon dans l'éventualité d'un renversement du régime, estime Henri Habib, professeur émérite de sciences politiques à l'Université Concordia.

«On peut décrire la situation en Syrie par un mot: une poudrière», dit-il. Si Hassan désire voir l'OTAN débarquer dans son pays, M. Habib croit qu'une telle intervention équivaudrait à ouvrir une boîte de Pandore dans une région déjà déstabilisée et minée par des conflits qui dépassent souvent les frontières d'un seul pays. Un renversement par les armes du gouvernement Assad pourrait avoir l'effet d'un tremblement de terre autant en Turquie, qui peine à gérer la question kurde, qu'au Liban «à l'équilibre fragile», en Israël, en Jordanie et en Irak, estime l'expert.

Le professeur Habib et le jeune rebelle syrien s'entendent sur une chose cependant: le sang doit cesser de couler le plus vite possible dans les rues de la Syrie.