La tempête médiatique WikiLeaks a frappé le Canada, mercredi, avec la publication de nouvelles notes diplomatiques. Cette fois, la diplomatie américaine évoque le «complexe d'infériorité» des Canadiens, parle d'un sentiment antiaméricain véhiculé par des émissions de CBC et des avantages politiques que le premier ministre Stephen Harper était susceptible de retirer de la visite du président Barack Obama, en février 2009.

Joint par téléphone, l'ambassadeur des États-Unis au Canada, David Jacobson, a tenté de limiter les dégâts: «La relation entre les États-Unis et le Canada est forte, durable, et je ne crois pas que WikiLeaks la compromette. C'est dans des moments difficiles comme ceux-ci que l'on voit qui sont nos vrais amis», a-t-il dit à La Presse.

Pendant ce temps, Tom Flanagan, ancien chef de cabinet du premier ministre Harper et organisateur de plusieurs campagnes électorales conservatrices, a dû s'expliquer après avoir dit, mardi, que le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, devrait être assassiné.

«Je regrette d'avoir fait un commentaire désinvolte à propos d'un sujet sérieux», a-t-il déclaré au Globe and Mail.

Khadr et coup de pouce

Les notes rendues publiques mercredi s'ajoutent à plusieurs autres divulguées par l'organisation de l'Australien Julian Assange depuis dimanche. WikiLeaks et certains médias entendent rendre publics près d'un quart de millions de câbles expédiés par la diplomatie américaine. Du nombre, 2500 émaneraient de l'ambassade des États-Unis à Ottawa ou de leurs consulats au Canada.

Jusqu'ici, cinq de ces notes proviennent de l'ambassade des États-Unis au Canada. Les quatre rendues publiques mercredi s'ajoutent à celle, publiée lundi, dans laquelle l'ancien directeur des services de renseignement canadiens (SCRS), Jim Judd, critiquait la naïveté des Canadiens et de leurs tribunaux face à la lutte contre le terrorisme, la disant digne d'Alice au pays des merveilles.

Depuis dimanche, deux câbles portant sur la France ont aussi impliqué le Canada. L'un d'eux, mis en ligne mardi, explique que Stephen Harper et son ancien homologue britannique, Gordon Brown, avaient été invités à une cérémonie de commémoration de la fin de la Seconde Guerre mondiale en France, en juin 2009, pour leur donner un coup de pouce politiquement. «La survie de leur gouvernement était en jeu», peut-on lire.

Un autre, qui a commencé à circuler mercredi après-midi, raconte la manière dont l'ancien ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a demandé à la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, d'examiner de plus près le cas du Canadien Omar Khadr, lors de leur première rencontre en tête à tête, en février 2009.

Un autre câble diplomatique envoyé par les États-Unis en novembre 2004 rapporte que le Canada s'est plaint d'avoir été isolé des circuits de renseignement en guise de représailles pour avoir refusé de participer à la guerre en Irak.

Complexe et antiaméricanisme

Les autres câbles émanant de l'ambassade des États-Unis à Ottawa parlent notamment de la visite du président Obama, en février 2009, qui était susceptible de permettre à Stephen Harper d'éviter des élections hivernales.

Dans une longue description d'émissions de fiction à CBC, dont The Border et Little Mosque on the Prairie, un diplomate a aussi expliqué qu'elles véhiculaient une image stéréotypée des Américains et favorisaient l'antiaméricanisme.

Enfin, dans une analyse de la campagne électorale fédérale de 2008, un employé de l'ambassade tente d'expliquer pourquoi la question des relations canado-américaines était pratiquement absente des débats: «Un complexe d'infériorité presque inhérent aux Canadiens pourrait mener les leaders politiques à éviter de faire de ces élections des élections à propos des États-Unis.»

Avec La Presse Canadienne

* * *

Ambassadeur du canada emporté par la vague?

L'ambassadeur du Canada en Afghanistan, William Crosbie, pourrait devenir la première victime canadienne des fuites de Wikileaks. Dans une note diplomatique obtenue par le National Post, M. Crosbie informe Ottawa que des documents qui doivent être rendus publics par le site web prochainement pourraient le citer comme faisant des commentaires désobligeants à l'endroit du président afghan Hamid Karzaï et de sa famille. «Si mes propres commentaires deviennent le centre de l'attention... alors on devrait considérer de me replacer pour ne pas que les relations bilatérales soient affectées», aurait-il écrit. Le ministère des Affaires étrangère n'a pas voulu commenter ces nouveaux éléments.