«Hier j'ai vu d'autres bébés mourir. Je prie Dieu chaque minute pour qu'il sauve mon petit bébé», souffle Fatouma en regardant un de ses deux fils, Ali, souffrant de malnutrition aigüe.

Sous une chaleur de près de 50 degrés, dans les campagnes désolées de Djibouti, des mères assistent, souvent impuissantes, à l'agonie de leur enfant.

Le visage creusé, Fatouma est arrivée il y a deux jours au centre d'accueil de Balho, ville frontière avec l'Éthiopie, avec ses deux enfants en bas âge, Ali et Abdo.

Bien que Balho dispose d'installations (forage, site d'accueil des enfants malnourris) largement absentes dans les campagnes environnantes, le taux de mortalité infantile reste élevé.

«L'une des principales causes est l'eau. L'eau du forage est très salée et cela peut causer des problèmes sanitaires aux enfants et surtout aux femmes enceintes», explique Hassan Ismail, coordinateur du programme de nutrition pour le nord de Djibouti.

À 25 km de là, Garabtisan, perdu au bout d'une piste de rocaille basaltique, offre des scènes de désolation. Dans ce petit village de garnison, où population civile et militaire vivent côte à côte, les carcasses de chèvres jonchent le sol, d'autres bêtes, faméliques, tiennent à peine debout.

«C'est très difficile de survivre face à une telle sécheresse. Nous ne nous inquiétons plus pour nos cheptels, mais pour nos propres vies. Nous sommes en danger», s'alarme Moumina, une mère de famille qui a perdu son bébé la semaine dernière. «Il est mort de malnutrition», raconte-t-elle d'une voix cassée par l'émotion.

«Nous sommes très touchés par la sécheresse. Nos cheptels ont été décimés. Nous n'avons pas d'eau. Et nos enfants meurent de malnutrition», renchérit Houmed, un ancien du village.

À Djibouti, 146 000 personnes souffrent de la sécheresse selon le Programme alimentaire mondial (PAM), soit 18% des quelque 800.000 habitants de ce petit pays au bord de la Mer Rouge. 12 millions de personnes, dans toute la Corne de l'Afrique et l'Est du continent, sont dans la même situation, à la suite de plusieurs saisons sèches consécutives.

«La situation va vraisemblablement se dégrader» dans le pays, a prévenu l'agence onusienne du PAM, citant entre autres «la perte de 70 à 80% du bétail ces dernières années du fait de la maladie et de la faim, un pouvoir d'achat de moins de 0,68 dollar par personne et par jour, l'augmentation de 40 à 50% du prix de la farine depuis mai sur la plupart des marchés en raisons de la hausse des prix internationaux».

Au pied du mont Siyarou, Garabtisan, dans la région de Tadjourah, ne bénéficie ni de puits, ni d'école, ni de dispensaire, et aucune aide internationale n'y est visible.

Le village ne peut compter que sur deux bassins enterrés et une retenue d'eau, à peine humidifiée par la pluie de la nuit précédente. La population doit s'approvisionner en eau au forage de Balho.

Plus de 300 familles ont bénéficié il y a deux semaines d'une aide alimentaire d'urgence (sucre, farine, riz, huile, de dattes et de lait) de la part de la cellule gouvernementale de crise.

Mais en dépit de la mise en place il y a plus d'un mois d'une équipe médicale mobile, la malnutrition semble toujours gagner du terrain dans la région.

«Il y en a tous les jours, des morts», reconnaît Abdourazak Daoud, préfet de Tadjourah.

«Depuis avril la situation se détériore. Le nombre des enfants victimes de malnutrition sévère augmente tous les jours», explique Hassan Ismail.

Sur 65 enfants examinés, 30 souffrent de malnutrition, ajoute-t-il. «La sécheresse en est la première cause, mais il y a surtout le problème de l'( 'approvisionnement en) eau», explique-t-il.