Obama arrive. Avec, dans son sillage, des espoirs démesurés et la conviction que, désormais, tout est de nouveau possible. De quoi nous donner une féroce envie de redécouvrir «l'Amérique». Six journalistes de La Presse ont fouillé dans leurs souvenirs, parfois récents, parfois lointains. Ils partagent avec nous leurs moments de grâce à l'endroit d'un pays qui se trouve, une fois de plus, à un carrefour.

L'Amérique que j'aime est une grande adolescente, un brin rebelle, un brin délinquante, aimant le danger, dopée à l'adrénaline et éprise par-dessus tout de liberté. Quand je pense à notre première rencontre, je pense toujours à la même date: le 22 novembre 1963. Je suis en classe à Ottawa et j'attends sagement que sonne la récréation quand subitement une voix parvenant de l'interphone, annonce d'un ton grave que le président des États-Unis vient d'être assassiné. J'apprends qu'il s'appelle John F. Kennedy et qu'à cause de lui, je suis une écolière libre, dispensée de mes cours pour la journée. La mort et la liberté: c'est ma première image d'un pays dont le pouvoir de fascination est tel que même ceux qui n'y vivent pas insistent pour partager ses drames.

 

Une fenêtre vient de s'ouvrir. Je m'y penche pour humer le parfum enivrant de cet étrange pays qui m'attire comme un aimant et me renvoie maintenant l'image de ma propre adolescence. J'écoute les Doors et Janis Joplin. Je lis le magazine Rolling Stone et On the Road de Jack Kerouac. Le 4 mai 1970, je suis de tout coeur avec les étudiants américains qui manifestent contre la guerre du Vietnam et quand quatre d'entre eux meurent sous les balles de la Garde nationale, je meurs un peu avec eux. Le lendemain, quand huit millions d'entre eux se lèvent pour crier leur révolte et leur colère, je crie avec eux.

L'Amérique que j'aime est une crise d'adolescence. C'est aussi une voiture louée que je conduis sur le Santa Monica Freeway à L.A. avec les cheveux au vent et la radio au coton. La première fois que je suis allée dans cette ville, je ne savais pas conduire. J'ai passé un mois sur les trottoirs brûlants à attendre des autobus lents qui n'allaient jamais dans ma direction. Je suis revenue l'année suivante rien que pour l'ivresse de me retrouver libre et souveraine au volant d'une voiture filant sur le Santa Monica Freeway. L'Amérique que j'aime est une promesse de liberté.