Tissu de mensonges ou tempête dans un verre d'eau? La publication de "documents confidentiels" par Al-Jazira, dimanche, a soulevé l'ire des officiels palestiniens, hier. Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a indiqué que les concessions sur Jérusalem et le sort des réfugiés auraient été attribuées à tort aux Palestiniens et seraient plutôt des propositions de la partie israélienne.

M. Abbas, en visite au Caire, a insisté n'avoir "aucun secret" sur ses intentions dans le processus de paix. Il a assuré aux membres de la Ligue arabe qu'il n'avait rien à cacher.

Al-Jazira a révélé au grand jour des documents qui indiquent que l'Autorité palestinienne aurait offert à Israël de garder presque toutes les implantations juives de Jérusalem-Est, territoire annexé en 1967 par l'État hébreu et non reconnu par la communauté internationale. Les Palestiniens auraient également accepté qu'Israël accueille 10 000 réfugiés par année pendant 10 ans, pour un total de 100 000 personnes. Les Palestiniens ont toujours insisté pour que tous les réfugiés de la guerre de 1948-1949 et leurs descendants puissent revenir sur le territoire. Les Israéliens ont toujours rejeté cette demande.

Al-Jazira pris pour cible

Le bureau d'Al-Jazira à Ramallah a été la cible de vandales hier. Les manifestants ont inscrit "Al-Jazira, espions" et "Al-Jazira, Israël" sur ses murs.

Yasser Abed Rabbo, secrétaire général de l'Organisation de libération de la Palestine, a accusé la chaîne de télévision qatarie de tromper les gens avec des informations "fausses et hors contexte". Le chef négociateur palestinien Saeb Erekat a pour sa part parlé de "mensonges et de demi-vérités".

Selon Yossi Alpher, corédacteur en chef du webzine Bitterlemons, les documents "semblent véridiques". Cependant, il ne voit "rien de nouveau" dans les propositions exposées par Al-Jazira. "Ceux qui disent que ce sont des tentatives pour discréditer Mahmoud Abbas partent du principe que les Palestiniens ne sont pas au courant de ce qui se passe", affirme le spécialiste, qui a agi à titre de conseiller spécial de l'ex-premier ministre israélien Ehoud Barak lors des négociations de paix avortées de Camp David en 2000.

Il relativise l'importance réelle des documents: "Il ne faut pas exagérer l'impact de ces fuites, avertit M. Alpher. S'il y a un impact, ce sera seulement sur la politique intérieure des Palestiniens, si ça crée une surprise et qu'ils se sentent trahis."

À Jérusalem-Est, aux abords de la vieille ville, des Palestiniens ne cachent pas leur amertume. "Pour moi, il n'y a rien de nouveau dans ces déclarations. Je veux un État palestinien, mais pas avec ces gens au pouvoir", a dit Majed Gate, un chauffeur de 35 ans.

Masswadi Rijali abonde dans son sens et souhaite le départ de Mahmoud Abbas. "J'aimerais qu'il arrive à Abbas la même chose qu'à Ben Ali", a-t-il dit, faisant référence au président tunisien en exil après une vague de contestation populaire dans son pays. "Je crois à la paix, mais je ne crois pas qu'on arrivera à la voir de notre vivant", a-t-il ajouté.