Les policiers, qui ont arrêté Anders Behring Breivik le 22 juillet, ont décrit vendredi un tueur flegmatique, mais déconcertant qui affirme que la Norvège est le théâtre d'un coup d'État tout en demandant un pansement pour une petite coupure au doigt.

Au 25e jour du procès où il est jugé pour la mort de 77 personnes, Breivik a de son côté stupéfié l'audience en rendant un hommage appuyé à la police, critiquée pour sa présumée lenteur à l'appréhender, soulignant qu'elle avait fait le maximum dans des circonstances difficiles.

Chef des opérations de la police locale, Haavard Gaasbakk a expliqué à la Cour qu'il avait échangé quelques mots avec l'extrémiste de droite en lui passant les menottes.

« Ce n'est pas vous que je vise. Je vous considère comme des frères. C'est un coup d'État : je dois sauver la Norvège de l'islamisation », déclare Breivik, allongé au sol, au policier, agenouillé sur son dos.

Lui-même déguisé en policier, l'extrémiste, aujourd'hui âgé de 33 ans, vient alors d'ouvrir le feu sur un camp d'été de la jeunesse travailliste sur l'île d'Utoya, faisant 69 morts, juste après avoir fait exploser une bombe près du siège du gouvernement à Oslo, provoquant la mort de huit autres personnes.

Haavard Gaasbakk dépeint un homme calme, en apparence en pleine possession de ses moyens -alors que sa santé mentale est au coeur du procès-, s'exprimant comme un militaire « de façon nette et concise » et qui veut ouvrir « des négociations » le plus rapidement possible.

Il dit faire partie d'un groupe de « trois cellules » : « la première a frappé à Oslo, la deuxième, c'est moi ici, la troisième n'a pas encore frappé, mais ça va être l'enfer pour la police ».

Ces propos conduisent le policier à tirer la sonnette d'alarme, mais, au fil des semaines, les enquêteurs acquerront la conviction que le supposé commandeur de l'organisation mystique des Chevaliers Templiers a agi seul.

Immédiatement après son arrestation, Breivik se plaint aussi d'une petite coupure à l'index et demande un pansement, un détail qui provoque des rires sarcastiques dans le prétoire.

Haavard Gaasbakk lui répond alors : « ce n'est pas la priorité, regarde autour de toi ». Utoya est encore jonchée de dizaines de corps.

Le premier interrogatoire a lieu sur l'île que des policiers passent au peigne fin à la traque d'éventuels complices, survivants et victimes.

Breivik se montre coopératif, mais menaçant, assurant qu'Utoya n'est qu'« un feu d'artifice » et que « si on veut sauver de nombreuses vies, il faut qu'on l'écoute », a témoigné vendredi Oerjan Tombre, le policier qui a conduit l'audition.

Mais ce dernier le dépeint aussi comme apeuré au début, croyant qu'il va être exécuté sur-le-champ, qu'il va mourir de déshydratation, qu'on va tuer sa mère et qui se plaint encore de sa légère coupure au doigt sur laquelle on finit par mettre un pansement.

Facétieux également. Il refuse d'abord qu'on le prenne en photo puis, débarrassé de ses vêtements crasseux, pose en sous-vêtements « un peu à la façon d'un culturiste », a relaté Oerjan Tombre.

Autorisé à prendre la parole en fin de séance, Breivik a estimé que ces anecdotes n'étaient pour certaines que des « bagatelles » qui ne sont « pas représentatives d'une discussion de huit heures ».

Soulignant qu'il n'avait jamais été pris en flagrant délit de mensonge par les enquêteurs, il a réaffirmé faire partie d'un réseau aux cellules bien réelles et répété que de nouvelles attaques suivraient.

Vendredi, Asbjoern Rachlew, qui a conduit la plupart des 220 interrogatoires réalisés par la police, a aussi décrit un Breivik « maître de lui », « logique », « analytique » et « stratégique », « égocentrique », mais « parfois capable d'autocritique ».

Quelques heures auparavant, l'intéressé avait dérouté l'audience en prenant la défense de la police, souvent montrée du doigt pour ne pas avoir arrêté plus tôt une fusillade qui a duré environ 75 minutes.

« Je suis le seul à blâmer, la police a fait ce qu'elle a pu et n'aurait pas pu faire plus », a-t-il dit.

Il a aussi expliqué s'être rendu sans opposer de résistance pour pouvoir diffuser son message idéologique. « Je me suis décidé à continuer pour passer à ce que j'appelle la phase de propagande, celle dans laquelle nous sommes, et cela supposait que je vive ».