(New York) Yusef Salaam, l’un des cinq adolescents afro-américains et hispanique condamnés à tort pour le viol d’une joggeuse à Central Park en 1989, l’une des plus célèbres erreurs judiciaires aux États-Unis, a été élu mardi soir au conseil municipal de New York.  

La victoire, très symbolique, a été fêtée dans son quartier d’Harlem.

Signe de l’empreinte que « l’affaire de Central Park » a laissée sur leur vie, l’élection a été proclamée avec émotion par l’une des quatre autres victimes de ce scandale judiciaire, Raymond Santana, dans un bar bondé aux murs décorés de portraits de Barack Obama et du jazzman Thelonious Monk.

« Je ne peux m’empêcher de penser au cauchemar auquel Yusef et moi avons été confrontés lorsque nous étions adolescents, à la façon dont ils nous ont dépouillés de notre humanité et convaincu le monde que nous ne valions pas la peine d’être sauvés. », a-t-il lancé.

Yusef Salaam, désormais proche de la cinquantaine, a lui aussi rappelé qu’il avait été « un adolescent assis dans une cellule, oublié de tous ».

« Ce soir, c’est moi qui ai l’opportunité de nous libérer de l’oubli et des discriminations », a-t-il assuré, son épouse, ses enfants et sa mère à ses côtés.

« Ce soir, nous tournons la page et commençons notre nouvelle renaissance d’Harlem », a aussi lancé celui qui a fait campagne sur la lutte contre la pauvreté et l’accès au logement, dans ce quartier majoritairement afro-américain et hispanique.

« Un porte-parole »

L’affaire de Central Park, au centre de la série When They See Us d’Ava DuVernay sur Netflix en 2019, est restée une affaire emblématique du racisme dans la société américaine.

Yusef Salaam avait quinze ans quand il avait été arrêté avec trois autres adolescents noirs et un hispanique, après une nuit de troubles à Central Park, le 19 avril 1989, marquée par la violente agression et le viol d’une jeune joggeuse blanche, laissée pour morte dans les bois du célèbre parc de Manhattan.

Longuement interrogés séparément en garde à vue, sans avocats, les cinq garçons, âgés de 14 à 16 ans, avaient été inculpés sur la seule foi d’aveux où ils s’accusaient les uns les autres. Ils s’étaient ensuite rétractés, assurant avoir été piégés et contraints par la police de New York, mais tous avaient été condamnés et envoyés en prison.

La brutalité de l’attaque avait choqué l’opinion et Donald Trump, alors magnat de l’immobilier, s’était offert plusieurs pages de publicité dans les journaux pour réclamer le retour de la peine de mort.

Yusef Salaam a effectué près de sept ans en détention. Après sa libération, les aveux d’un autre homme, dont l’ADN avait été retrouvé sur la victime, avaient relancé l’affaire et « les cinq de Central Park », dont les prénoms étaient imprimés sur certains tee-shirts mardi soir, ont été innocentés.

Depuis, Yusef Salaam a milité pour des réformes du système judiciaire, mais c’est la première fois qu’il obtient un mandat politique. Après sa victoire lors d’une primaire démocrate cet été, il était assuré de l’emporter mardi.

« Cela signifie que nous pouvons changer les choses ici à Harlem », se réjouit Tania Mullins, 54 ans, qui le soutient depuis la première heure. « Savoir que nos jeunes noirs peuvent être condamnés à tort et qu’ils peuvent être innocentés… C’est un porte-parole, pour tout le monde », ajoute-t-elle.