(Kalamata et Athènes) Alors que les recherches d’éventuels survivants se poursuivaient jeudi, neuf Égyptiens soupçonnés d’être des passeurs ont été arrêtés en Grèce, après le naufrage d’un bateau de migrants au large des côtes grecques qui pourrait avoir fait des centaines de morts.

Une source portuaire a indiqué à l’AFP que parmi les personnes arrêtées figurait le capitaine de l’embarcation qui a chaviré avant de couler, entraînant la mort d’au moins 78 personnes, selon un bilan officiel.

PHOTO STELIOS MISINAS, REUTERS

Deux des neuf Égyptiens arrêtés, dans une voiture de police, dans le port de Kalamata

Selon cette source, le bateau de pêche avait quitté l’Égypte à vide avant d’embarquer des migrants à Tobrouk, une ville portuaire de l’est de la Libye, et avait mis le cap sur l’Italie.

Les suspects arrêtés à Kalamata, port de la péninsule du Péloponnèse où ont été acheminés les rescapés, sont soupçonnés de « trafic illégal » d’êtres humains, selon l’agence grecque ANA.

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a dit « redouter que des centaines de personnes supplémentaires » se soient noyées « dans l’une des tragédies les plus dévastatrices en Méditerranée en une décennie ».  

Le porte-parole du gouvernement grec, Ilias Siakantaris, avait révélé mercredi que des informations non confirmées faisaient état de 750 personnes à bord du chalutier.  

Deux patrouilleurs, une frégate de la marine, trois hélicoptères et neuf autres navires continuaient à inspecter les eaux à l’ouest des côtes du Péloponnèse, l’une des zones les plus profondes de la Méditerranée.

La Cour suprême grecque a par ailleurs ordonné une enquête pour déterminer les causes du drame qui a choqué la Grèce, accusée depuis des années de refouler des migrants en quête d’asile dans l’Union européenne.

Un deuil national de trois jours a été décrété, interrompant la campagne électorale en vue du scrutin législatif du 25 juin.

PHOTO FOURNIE À L’ASSOCIATED PRESS

Une image diffusée par les gardes-côtes montre un chalutier bleu de 25 à 30 m de long, et manifestement en mauvais état, surchargé de personnes rassemblées sur le pont de la proue à la poupe et même sur le toit de la passerelle.  

Mais certains journaux ne cachaient pas leur colère face à ce nouveau drame touchant des migrants. Le quotidien de centre gauche Efsyn affichait ainsi en une et en six langues ce simple mot : « Honte ! »

PHOTO SPYROS BAKALIS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des manifestants lâchent des lanternes célestes devant le parlement grec en hommage aux victimes du naufrage.

À Athènes et à Thessalonique, deuxième ville de Grèce, quelque 5000 personnes sont descendues dans les rues, selon la police, arborant des slogans tels que « Le gouvernement et l’Union européenne tuent » et « Non à la forteresse Europe. Solidarité avec les réfugiés ».

« En état de choc »

Dans le port de Kalamata, « c’est vraiment horrible », a dit Erasmia Roumana, une employée du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Les rescapés sont « dans une très mauvaise situation psychologique […]. Beaucoup sont en état de choc, ils sont accablés ».

Cent quatre personnes ont pu être secourues et devraient être prochainement transférées dans un centre d’accueil pour migrants de Malakasa, au nord-est d’Athènes.

PHOTO ANGELOS TZORTZINIS, ASSOCIATED PRESS

Jusqu’à présent, 104 personnes ont pu être secourues et devraient être prochainement transférées dans un centre d’accueil pour migrants de Malakasa.

Les rescapés « sont tous des hommes », a déclaré la porte-parole des garde-côtes, faisant craindre que des femmes et des enfants, qui embarquent généralement aussi sur ces embarcations, ne figurent parmi les disparus.

Ces rescapés sont en majorité des Syriens (47), des Égyptiens (43), ainsi que 12 Pakistanais et 2 Palestiniens, selon les autorités grecques.  

Un survivant a également indiqué à des médecins de l’hôpital de Kalamata qu’il avait vu une centaine d’enfants dans la cale du bateau, selon la chaîne de télévision publique ERT.

Plus de 20 personnes restent hospitalisées à Kalamata, selon cette même source.  

Une image diffusée par les garde-côtes montrait un chalutier bleu de 25 à 30 m de long, et manifestement en mauvais état, surchargé de personnes, rassemblées sur le pont de la proue à la poupe et même sur le toit de la passerelle.

PHOTO ANGELOS TZORTZINIS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des rescapés du naufrage se trouvaient jeudi dans un entrepôt du port de Kalamata, où ils sont logés temporairement.

Selon les autorités portuaires grecques, un avion de surveillance de l’agence européenne Frontex avait repéré le bateau mardi après-midi, mais les secours ne sont pas intervenus, car les passagers ont « refusé toute aide ».  

Frontex n’a pas fourni de commentaire. Mais son patron Hans Leijtens s’est rendu à Kalamata pour établir « le rôle » de l’Agence de surveillance des frontières européennes dans ce naufrage « horrible ».

Partis de Libye

« On ne demande pas aux personnes à bord d’un bateau à la dérive s’ils veulent de l’aide […], il aurait fallu une aide immédiate », a affirmé à ERT Nikos Spanos, expert international des incidents maritimes.

« La question ne se pose pas de savoir si le bateau refuse de l’aide. […] Un bateau surchargé est un bateau en détresse, il n’y a pas de question de son état ou de sa capacité à continuer sa route ou pas », a renchéri Jérôme Tubiana, de Médecins sans frontières, sur la radio publique française France Culture.

Le bateau a chaviré à 47 milles nautiques (87 km) de Pylos, en mer Ionienne, a précisé M. Siakantaris, coulant en 10 à 15 minutes.

Selon plusieurs responsables, les rescapés ne disposaient pas de gilets de sauvetage.  

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    Nombre de migrants morts et disparus en mer Méditerranée depuis 2014. Le bilan est de 1166 depuis le début de l’année.
    Source : Organisation internationale pour les migrations