(Londres) Indécis, dépassé par les évènements, peu soucieux des victimes… L’ex-premier ministre britannique Boris Johnson a été éreinté par ses anciens conseillers pour sa gestion de la COVID-19 mardi lors de l’enquête publique consacrée à la pandémie.

On savait déjà que l’ancien dirigeant conservateur avait tergiversé face à l’émergence du coronavirus, relativisant la menace puis tardant à imposer des confinements, qui ont été parmi les plus durs en Europe.

Mais les témoignages de son entourage ainsi que les documents publiés par la vaste commission d’enquête lancée en juin sur la crise sanitaire, qui a fait plus de 230 000 morts au Royaume-Uni, ont dépeint un tableau encore plus consternant du huis clos du pouvoir au printemps 2020.

Déjà devenu un symbole de cette période, l’emoji avec lequel ses équipes le décrivaient dans leurs échanges sur WhatsApp, rendus publics : un caddie de supermarché, susceptible d’être poussé ou de dériver dans toutes les directions.

« Presque tout le monde le qualifiait de caddie, oui », a confirmé son puissant chef de cabinet de l’époque, Dominic Cummings, interrogé pendant plusieurs heures par la commission d’enquête.

PHOTO FOURNIE PAR AGENCE FRANCE-PRESSE

Dominic Cummings

Ce dernier, connu pour son franc-parler, ses méthodes abruptes et sa volonté de secouer l’administration, a plus généralement décrit un « système qui ne fonctionnait pas ».

« C’était la mauvaise crise pour les compétences du premier ministre », a estimé Lee Cain, ancien directeur de la communication à Downing Street « C’est quelqu’un qui repoussait souvent les décisions, prenait conseil auprès de multiples sources et changeait d’avis sur les différents sujets ».  

Cela peut constituer « une grande force » en politique, mais la pandémie exigeait « des décisions rapides » et « des gens qui tiennent bon », a-t-il ajouté : « Il se décide en fonction de la dernière personne consultée dans la pièce. C’est assez épuisant ».

« Incapable »

Après avoir examiné comment le pays était préparé à la crise sanitaire, la commission d’enquête, censée durer au moins trois ans et présidée par la juge Heather Hallett, se penche sur la gouvernance et la gestion politique de l’apparition du virus.

Elle dissèque ainsi une période qui aura marqué le début de la chute de Boris Johnson, lui-même hospitalisé en soins intensifs quelques jours au printemps 2020, car atteint de la COVID-19.

Outre ses revirements face aux vagues de l’épidémie, il lui a été reproché sa nonchalance qui a permis la tenue de fêtes à Downing Street malgré les restrictions.

Ce scandale du « partygate » a largement contribué à la démission de l’ex-premier ministre à l’été 2022. Il a ensuite démissionné de son siège de député en juin après avoir été reconnu coupable d’avoir menti à ce sujet au Parlement, mettant fin aux spéculations sur un retour au pouvoir.

Lundi, le conseiller Martin Reynolds avait raconté comment Boris Johnson soufflait « le chaud et le froid » tandis que des messages WhatsApp du secrétaire général de Downing Street Simon Case – le plus haut fonctionnaire du pays – se montraient très sévères envers le premier ministre, « incapable de diriger ».

« Je suis au bout du rouleau. Il change de direction stratégique tous les jours », écrivait M. Case.

Le journal que tenait le conseiller scientifique en chef du gouvernement de l’époque, Patrick Vallance, enfonce le clou en rapportant des échanges « dingues » avec l’ex-premier ministre.

« Il dit que son parti “pense que tout cela (les confinements, NDLR) est pathétique et que la COVID-19 correspond juste à une manière pour la nature de s’occuper des personnes âgées” et je ne suis pas sûr qu’il ne soit pas d’accord », écrivait-il en décembre 2020, alors que se profilait une nouvelle vague.

Si une partie de l’opinion reproche à Boris Johnson son indécision et sa tentation de laisser courir le virus, une frange de la presse conservatrice critique désormais ouvertement les restrictions sanitaires, les jugeant liberticides et inefficaces.